jean dutourd
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«Mon père, qui a le goût de la tradition, nous réunit à déjeuner tous les lundis, mon oncle et moi. Mon père est auvergnat, mon oncle bourguignon. Moi, je suis le fils de mon père et le neveu de mon oncle.» Réplique après réplique, coup de fourchette après coup de fourchette, ce roman autobiographique presque tout en dialogues nous invite à un festin fait de bric et de broc dans le Paris de l'immédiat après-guerre encore rongé par le marché noir et la disette. Les plaisanteries fusent, les traits d'esprit pétillent, et tout un art de vivre renaît en compagnie de trois personnages savoureux : le père, l'oncle et Dutourd lui-même. D'une originalité et d'une drôlerie sans pareilles, nimbé d'une envoûtante étrangeté remarquée par Thomas Mann, Le Déjeuner du lundi n'a rien perdu de sa fraîcheur et demeure une oeuvre novatrice et inspirante.
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Au bon beurre : scènes de la vie sous l'Occupation
Jean Dutourd
- Folio
- Folio
- 27 Novembre 1972
- 9782070362608
«Certains critiques m'avaient détourné de lire Au bon beurre, laissant entendre qu'il existait, entre Jean Dutourd et le couple immonde qu'il a peint, une obscure connivence. Or, à mesure que, ces jours-ci j'avançais dans le livre, j'éprouvais un sentiment de délivrance : Enfin me disais-je, tout de même, cela aura été dit. Ce couple à qui, plus ou moins, nous aurons eu tous affaire, pendant quatre ans, le voilà dénoncé, exposé sur un pilori qui désormais dominera l'histoire de ces noires années. Que l'auteur de ce beau livre soit un homme courageux, il faudrait pour le nier ne rien connaître de la lâcheté qui, aujourd'hui, incite tant de paupières à se baisser opportunément, scelle tant de lèvres.»François Mauriac.
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En 1955, en pleine guerre froide, une troupe de chanteurs noirs va de Berlin à Leningrad pour y jouer le fameux opéra de George Gershwin, Porgy and Bess. Truman Capote suit la tournée comme correspondant du New Yorker et tient une chronique précise et pleine de malice des aventures - et mésaventures - de la troupe dans la Russie soviétique : voyage en train spécial, accueil par les officiels russes qui ignoraient que les chanteurs étaient noirs, description des grands magasins, balades en bus jusqu'au soir de la générale... Malgré une impartialité affichée, Truman Capote excelle à rendre les situations, les personnages et les dialogues dans un style vivant et poétique et nous offre un grand moment de littérature.
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Par une belle journée de juin, deux amis se promènent dans Paris. Ils parlent d'Édouard Roberti, député, marié, père de trois enfants, qui à cinquante ans s'est amouraché d'une jolie secrétaire de vingt-cinq ans, Solange Mignot. Cette liaison s'est terminée au bout de trois ans par un crime. Qu'est-ce que la passion amoureuse ? Jusqu'où peut-elle mener ?
Dès les premières lignes, on est happé par ce grand roman publié à la NRF en mai 1963 ; des critiques soulignèrent que Dutourd inventait une nouvelle forme de roman.
De ce roman, Jean Giono écrivait :"Ce livre a pour plus de cent ans de lecteurs dans le ventre. Jean Dutourd est sans doute le premier grand romancier véritable non seulement de sa génération, mais de bien d'autres." Et Jean Paulhan :"Je suis très bouleversé. Que ce soit une grande chose, pas le moindre doute là-dessus : une grande chose comme personne n'en avait vu depuis longtemps. " André Thérive parle de"chef d'oeuvre insulaire", c'est-à-dire unique en son genre. Et Albert Cohen :"J'en suis enthousiaste. Ce livre est immense, un grand chef-d'oeuvre." -
«On n'imagine pas comme le fait de posséder une tête de chien change les dispositions des gens avec lesquels on est appelé à vivre. Les sentiments qu'ils vous portent deviennent tout de suite excessifs et par là embarrassants. Les bons sont trop bons, les indifférents trop indifférents, les moqueurs trop moqueurs.» Edmond est né avec une tête de chien. Plus précisément avec une tête d'épagneul. Si cela fait de lui un être à part, la différence condamne trop souvent à la solitude. À l'école, à l'armée ou au travail, les brimades le mèneront à une véritable quête de soi. Dans ce roman jubilatoire et mélancolique, Jean Dutourd retrace avec un humour mordant la vie d'un homme singulier dans une société pleine d'a priori.
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Ce petit livre enjoué, ni libelle ni pamphlet mais plutôt défense et illustration de l'Académie française, a été publié une première fois en 2009 de façon anonyme, le malicieux « un des quarante » préférant laisser planer le doute quant à son identité. Avec l'accord de ses enfants, ce carnet est aujourd'hui réédité et révèle le nom de son illustre auteur, Jean Dutourd.
L'écrivain y décrit l'histoire, les us et coutumes, les arcanes et les moments savoureux de cette Académie qui est, selon lui, « le club le plus sélect et le plus fermé du monde, et cela dure depuis bientôt quatre cents ans. La Révolution elle-même, qui s'est acharnée si rageusement à effacer toute trace de l'Ancien Régime, n'est pas venue à bout de ce roc. » Jean Dutourd nous raconte sa tendresse et son attachement pour cette vénérable institution.
Ce livre d'humeur et d'humour, au style d'une limpidité toute classique, s'adresse à tous ceux qui ont envie d'en savoir un peu plus sur l'Académie française, qu'ils rêvent, ou non, d'y entrer. -
Jean Dutourd a trente-neuf ans et onze livres à son actif lorsqu'il publie Les Dupes, en septembre 1959. Connu du grand public pour Au bon beurre (1952) et Les Taxis de la Marne (1956), il est alors l'un des écrivains les plus en vue de sa génération. Les Dupes occupe une place à part dans son oeuvre : il s'agit de son premier recueil de nouvelles, un genre qu'il abordera peu mais dans lequel il excellera toujours.
Trois histoires d'inspiration comique composent Les Dupes. Dans la première, Dutourd nous conte les trépidantes aventures d'un jeune homme qui croit qu'on se définit par ses actes : hélas pour lui, tout ce qu'il entreprend tourne toujours à l'inverse de ce qu'il désire ! Détail cocasse : son professeur de philosophie n'est pas sans rappeler Jean-Paul Sartre. La deuxième nouvelle nous montre un révolutionnaire allemand du XIXe siècle qui s'imagine dur comme fer que le monde évoluera dans un certain sens : ses prédictions (et ses rencontres avec Lamartine, Hugo et Clemenceau) ne manquent pas de sel. Quant à la troisième nouvelle, elle relate un étrange tête-à-tête nocturne entre le diable et un athée. Les Dupes s'achève sur un curieux épilogue où Dutourd nous donne à lire un article furibard que la deuxième nouvelle (initialement publiée dans la NRF en 1958) avait inspiré à André Breton : le pape du surréalisme y fulmine admirablement.
En 1959, la critique accueille avec faveur Les Dupes : c'est drôle, alerte et percutant ; Dutourd manie avec brio des registres fort différents ; on passe en sa compagnie un délicieux moment... Dans une lettre à Jean Dutourd, Jean Giono clame son enthousiasme : « C'est une jubilation ! Pourquoi faut-il que ce soit si court ! » Jamais réédité depuis 1959, Les Dupes est l'un des meilleurs livres de Jean Dutourd - et l'un de ceux par lesquels on suggérera volontiers d'aborder son oeuvre.
Nous profitons de cette réédition pour publier en appendice un document récemment retrouvé dans ses archives : une lettre de Breton à Dutourd, datée de 1955, qui jette une lumière vive sur les affres que l'auteur de Nadja traversait à cette époque.
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«Au mois d'août 1964, pour commémorer la Libération de Paris, France-Soir me demanda un récit de cet épisode auquel j'avais pris part. J'étais ennuyé par les récits officiels en style lyrique qu'on lisait un peu partout. J'écrivis par réaction l'histoire de la Libération telle que je l'avais vécue.Ce petit morceau de littérature réaliste me mit en appétit, et je pensai qu'il serait intéressant de raconter la suite.La paix est bien dure pour un jeune homme qui n'a connu que la guerre, ses violences et ses distractions. C'est l'expérience que je fis, du moins pendant les deux premières années qui suivirent. J'étais marié, j'avais deux bébés, je n'avais pas le sou, je ne connaissais rien du monde. Un caractère ridicule par-dessus le marché, mélange de vanité, de présomption et d'indépendance. Je crois que dans ce livre je me suis montré sans complaisance pour moi et pour mes aventures. Mais peut-être que mon récit intéressera quelques personnes par le tableau qu'il peint des erreurs de la jeunesse.»Jean Dutourd.
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A vingt-huit ans, un matin, je me regardai dans la glace.
Je constatai que j'avais une tête de chien. Cela cause un choc. Mais le propre de l'écrivain est de ne rien laisser perdre. J'écrivis donc un roman dont le héros a une tête d'épagneul avec une truffe et de longues oreilles. Ce portrait me ressemble assez.
A trente-deux ans, j'eus envie de faire le roman vrai de l'occupation allemande. Tout le monde m'en dissuada. Je le fis quand même : ce fut Au bon beurre.
Dans Doucin je commençai à sentir la présence de Dieu dans le monde et dans les âmes.
A quarante-deux ans, vers la page 500 des Horreurs de l'amour, je m'évanouis de surmenage. C'est un de mes meilleurs souvenirs.
2024 pourrait s'intituler Science-Fiction. J'y dévoile ma vision de l'avenir : il ne reste plus dans le monde que des vieux et des pigeons. Et Mascareigne pourrait être de la politique-fiction.
Il est émouvant pour un auteur de voir quelques-uns de ses livres réunis en volume : il a l'impression d'être mort, ce qui est le comble du chic en littérature.
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«La première vertu de ce livre brûlant, c'est l'éloquence. Elle s'exhale d'un coeur en deuil, elle jaillit d'une âme indignée. Je dis bien d'une âme. L'homme de Dutourd a une âme. Il paraît que l'homme aurait une âme. Pas une conscience intellectuelle. Une âme. Qu'il y en aurait de grandes et de petites. On voit que Dutourd ne recule devant nulle nouveauté. N'en doutons plus:Les taxis de la Marne datent un tournant de la sensibilité française.»Alexandre Vialatte.
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L'ascension d'un couple de crémiers cyniques et immondes, les Poissonard. Pétainistes au départ, gaullistes à la Libération, ils ne reculent devant aucune bassesse pour tirer profit de la guerre.
Le couple Poissonard dénonce, exploite sans aucune vergogne, sans aucun remords. Marché noir, trafic, tout est bon pour continuer à s'empiffrer. Et ils sauront, au bout de l'ignominie, retourner leur veste.
Au Bon Beurre est une caricature grinçante des Français sous l'Occupation.
Au Bon Beurre est un roman féroce et drôle.
Au Bon Beurre, le grand roman du quotidien des Français pendant la guerre.
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«J'ai toujours soupçonné que le péché originel avait d'autres causes qu'une misérable curiosité de femme. Pour moi, la vraie cause du courroux de Dieu c'est la pensée de l'homme.» Tel est le sujet du drame en trois journées de Jean Dutourd. Adam pense. Il s' interroge sur Dieu. Sa pensée donne naissance à un arbre dont les racines culbutent les rochers sous lesquels Ie Serpent demeurait cloué depuis sa révolte. Dieu met Adam en garde. Il lui défend de penser et n'exige que l'Amour. Mais Adam trouve dans la pensée, non la révolte contre Dieu que lui suggère le Serpent, mais la liberté. Il refuse en conséquence le pardon de Dieu, tandis qu'Ève, à son côté, se pénètre peu à peu d'amour humain jusqu'à préférer le malheur avec Adam au bonheur sans lui. À la fin, Adam, seul vainqueur, s'avance triomphant, Ève près de lui, entre le principe de la création et celui de la destruction, sans plus se soucier d'eux que l'homme, faisant sa vie, ne songe à la naissance et à la mort.
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Lorsque parurent en 1963 Les horreurs de l'amour, le grand critique André Thérive écrivit que c'était un chef-d'oeuvre, mais, précisait-il, «un chef-d'oeuvre insulaire», c'est-à-dire qui resterait unique dans son genre, que nul ne pourrait jamais imiter.Ce roman, qui a l'épaisseur des ouvrages de Dostoïevski ou de Dickens, qui est une somme sentimentale et psychologique comme celle de Proust, qui a la complexité, la minutie et les vastes mouvements de la vie, raconte les amours tragiques d'un député quinquagénaire et d'une dactylo de 25 ans. Mais au-delà de l'anecdote ou de l'intrigue, encore que celle-ci soit traitée comme elle doit l'être, il se dégage de toutes ces pages ce qui fait les oeuvres durables:une vision du monde, une philosophie, une métaphysique.
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Lorsque parurent en 1963 Les horreurs de l'amour, le grand critique André Thérive écrivit que c'était un chef-d'oeuvre, mais, précisait-il, «un chef-d'oeuvre insulaire», c'est-à-dire qui resterait unique dans son genre, que nul ne pourrait jamais imiter.Ce roman, qui a l'épaisseur des ouvrages de Dostoïevski ou de Dickens, qui est une somme sentimentale et psychologique comme celle de Proust, qui a la complexité, la minutie et les vastes mouvements de la vie, raconte les amours tragiques d'un député quinquagénaire et d'une dactylo de 25 ans. Mais au-delà de l'anecdote ou de l'intrigue, encore que celle-ci soit traitée comme elle doit l'être, il se dégage de toutes ces pages ce qui fait les oeuvres durables:une vision du monde, une philosophie, une métaphysique.
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A travers l'histoire de jeunes gens, chercheurs au CNRS et écrivains, c'est une radioscopie du temps présent que propose l'auteur du«Bon beurre».
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Les horreurs de l'amour Le séminaire de Bordeaux
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En écrivant ce livre, je me demandais quel titre je lui donnerais. Puis je songeai au récit de Hemingway, Le Vieil Homme et la Mer, que j'avais traduit autrefois en français. N'était-ce pas, d'une certaine façon, mon histoire qu'il avait racontée quarante ans à l'avance ? Il me semblait que j'étais dans une barque, courant après le gros poisson de la littérature que tout écrivain rêve d'attraper. Comme le vieux du conte j'avais le sentiment que ma position était bien précaire, cerné comme j'étais par des meutes de requins et ne disposant pour les repousser que d'une lame de couteau ficelée à un aviron. La mer sur laquelle je naviguais était la France, et je ne l'avais pas choisie.
J.D.
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La Genèse, qui est le premier livre de la Bible, raconte la création de l'homme et les commencements du monde, mais elle les raconte de façon très laconique.
Par exemple, il n'est dévoilé nulle part quelle espèce de poison renfermait le fruit de l'Arbre de la Connaissance. Il n'est pas montré comment Eve, pour avoir Adam à elle toute seule, le brouilla avec les animaux, la nature et le Créateur lui-même. Quelles circonstances atténuantes Caïn avait-il pour que le Seigneur défendît qu'on le tuât ? Dieu, enfin, après avoir été content de son oeuvre, en a été dégoûté au point de la rayer comme un brouillon par le Déluge et de la recommencer.
Le Livre de la Genèse est particulièrement émouvant en ce qu'il montre comment le Tout-Puissant s'est heurté aux hommes. Ceux-ci, souvent, en dépit de leur foi et de leur amour, lui résistent, discutent avec lui, et il arrive qu'ils influent sur sa volonté. Jean Dutour a en quelque sorte " rempli les blancs " de la bible, c'est-à-dire qu'il a ajouté au récit sacré des détails historiques ou psychologiques, ainsi que quelques raisonnements qui manquent.
Rien n'est changé mais tout est éclairé, tout prend soudain vie, et l'on s'aperçoit que les hommes qui existaient il y a des milliers d'années sont nos pères, presque nous-mêmes. Abraham, Jacob, Joseph, tous ces précurseurs avaient notre cerveau et notre coeur.
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Imaginons. Louis XVI n'a pas été reconnu et arrêté à Varennes. La Corse n'a pas été achetée par Louis XV en 1767. Bonaparte, un jeune Gênois, s'est mis au service de l'Autriche et va finir feld-maréchal. La Louisiane n'a pas été vendue aux Américains en 1803... J. Dutourd s'amuse à imaginer en quoi l'Histoire aurait été différente en fonction de ces chiquenaudes du destin.
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La chronique est un art qui tient du lancer de la grenade et de l'introduction du suppositoire. Je veux dire par là qu'il faut bien viser, afin que l'engin qu'on envoie éclate à la place exacte où il doit éclater, et fasse tous les dégâts souhaitables. Quant à l'introduction du suppositoire, c'est une manoeuvre tout aussi délicate, et qui ne demande pas moins de doigté. Cela consiste à aborder le sujet de biais, de la façon la plus anodine possible, et à arriver par une gradation presque invisible à énoncer en queue d'article une chose énorme qui, dite d'entrée, aurait paru choquante ou ridicule. Quand on met autant de soin, de sincérité, de rigueur à composer un éditorial ou une critique qu'à rédiger quelques pages d'un livre, on est récompensé. Beaucoup d'articles finissent par faire une petite oeuvre en marge de la grande. Grâce au journalisme et à ses heureuses contraintes, certains auteurs ont eu l'occasion d'exercer des facultés ou d'exprimer des aspects de leur talent qu'ils auraient peut-être dédaignés s'ils n'avaient pas eu besoin d'argent.