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« Je suis venu en Géorgien et vous me traitez comme un touriste ! Le portrait de mon arrière-grand-mère n'a rien à faire là. Vous avez voulu m'en mettre plein la vue, mais c'est horrible. Mon envie de venir au Musée National était fondée. Elle ne reposait pas que sur le désir d'y voir ce portrait, mais aussi les toiles de Répine et d'autres Ambulants ainsi que celles de Kakabadzé, les costumes et les icônes, le musée de l'occupation au dernier étage et surtout le trésor de la Toison d'or. Bref, la culture géorgienne, son histoire, ses richesses, sa mythologie. Qu'est-ce que je vais écrire moi maintenant ? Il est hors de question que je dorme une minute dans ce musée, vous m'entendez ? Vous n'aurez pas mes rêves. Vous n'aurez pas mes rêves. »
Alors qu'il devait être accueilli au Musée National de Tbilissi, l'auteur est finalement attendu à la Galerie Nationale où le portrait de son arrière-grand-mère, la princesse Mélita Cholokachvili, dite Babou, a été déplacé et « posé là comme une tarte à la crème ». Contraint de renoncer aux promesses qu'il projetait dans cette nuit, ce n'est pas tant avec les oeuvres que Guillaume Gallienne va dialoguer, comme il l'espérait, mais avec sa part géorgienne. Celle léguée par Babou, muse magnifique de la vie littéraire en Géorgie au début du XXe siècle ou sa grand-mère adorée Caï, complice de ses jeunes années, qui lui donne « le goût de la lecture et des belles choses ». Les raconter, c'est aussi revisiter, entre souffrances d'enfance, imaginaire échappatoire et aspirations intenses, les racines de sa propre construction. -
« Je me revois dans les rues de Châteauroux, à quatre ans, cinq ans, six ans, sept ans... En train d'aller à l'école. Je passais par une petite ruelle pavée, qui longeait le musée. Je me revois avancer entre les murs, en chantonnant les dernières chansons de Sheila, et en contemplant à mes pieds du haut de ma taille les chaussures vernies noires que ma mère venait de m'acheter. Je ne savais rien de ce qu'allait être ma vie. L'avenir ne m'inquiétait absolument pas. Au contraire. »
La « Nuit au musée » de Christine Angot à la Bourse de Commerce. Ou : L'art, dans une vie. -
Une nuit. Le Panthéon pour enceinte d'un dialogue entre Richard Malka, incroyant bien décidé à rire encore de Dieu, en guerre contre le « respect » nouvellement dû aux religions, et Voltaire, le plus irrévérencieux philosophe des Lumières, défenseur de Calas et du Chevalier de la Barre. Sont-ils d'accord sur tout ? Pas tout à fait. Disciple de Robert Badinter et Georges Kiejman, l'avocat évoque les attentats, les morts, son histoire familiale, sa répulsion envers le prosélytisme et les enfermements communautaires. Surtout, il pose à Voltaire la question qui l'a mené au Panthéon. Par quoi remplacer Dieu ?
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De quelle obscure impulsion ce texte, qui m'a hantée pendant de longs mois, s'est-il nourri ? Tout ce que je sais, c'est que j'ai été emportée, engloutie par le siècle d'histoire qui a traversé cette prison de Lyon, la prison de Montluc. Jean Moulin, Raymond Samuel, dit Aubrac, René Leynaud, André Devigny, les enfants d'Izieu y ont tous été emprisonnés. Puis de nombreux condamnés à mort algériens. Klaus Barbie, lui, y est incarcéré avant son procès en 1983. Ce n'est qu'en 2009 que l'aile des femmes, la dernière en activité, est définitivement fermée, en même temps que la prison.
Toute la complexité de l'histoire semble s'être concentrée en un seul point, mais ses tentacules s'étendent bien plus loin. J'ai essayé de les suivre, de les démêler. De les pénétrer au cours d'une nuit blanche où je pensais aller à la rencontre des esprits de tant de résistants, et où j'ai fini par me rendre compte que le fantôme, en ces lieux, c'était moi. -
Europes : Une histoire personnelle
Timothy Garton Ash
- Stock
- Les Essais Stock
- 19 Mars 2025
- 9782234097193
« Le livre dont l'Europe avait besoin, au bon moment. »
Timothy Snyder, auteur de De la liberté
De la reconstruction d'après-guerre et son idéal d'un territoire « entier, libre et en paix » à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, Timothy Garton Ash retrace l'extraordinaire histoire de notre continent.
L'auteur, qui a consacré sa vie à cette étude, et conseillé différents présidents et ministres, s'appuie sur un demi-siècle d'expériences vécues ou rapportées : la sienne, celle de son père qui a participé au débarquement, et celles des Européens de toutes nationalités qu'il a interrogés, illustres comme anonymes.
Du vent de liberté soufflant sur les chantiers navals polonais à Paris frappée par le terrorisme, en passant par la fondation de l'Union européenne, Europes est la chronique lucide de notre époque, ainsi qu'un cri d'alarme pour sauver ce que nous avons collectivement réalisé.
Traduit de l'anglais par Emmanuelle et Philippe Aronson -
« J'ai prévenu tout le monde, je leur ai dit que j'allais traîner dans les lieux, les salles d'exposition, peut-être dans les bureaux, on m'a montré comment fonctionne le complexe tableau électrique qui ressemble à un ready-made de Duchamp, on a coupé les alarmes partout... » Depuis ce jour de juin 1982 où, pour la première fois, Thierry Frémaux a découvert la « Villa Lumière » dans le quartier de Monplaisir, à Lyon, il ne l'a pratiquement plus jamais quittée. Passer une nuit à l'endroit précis où Auguste et Louis ont donné le coup d'envoi du cinématographe moderne ; là où a été tourné le premier film de l'histoire ; là où Bernard Chardère a inauguré l'Institut Lumière ; là où Bertrand Tavernier lui a offert un statut international ? L'opportunité tombait sous le sens. Une façon pour Thierry Frémaux de boucler la boucle et d'exprimer à la fois sa dette et sa passion pour cet art si particulier qui donne à voir le monde en même temps qu'il l'imagine.
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À peine entré dans l'exposition que le Centre Pompidou consacre à Francis Bacon, Yannick Haenel ne voit plus rien : une migraine ophtalmique l'oblige à passer plusieurs heures allongé sur le lit de camp qu'on a dressé pour lui dans le musée.
En retrouvant ses esprits, Yannick Haenel se met à parcourir l'exposition en proie à des états d'intensité contradictoires, qu'il raconte comme une aventure initiatique. Est-il possible de ressentir intégralement la peinture, de la vivre comme une ivresse passionnée ?
À travers le face-à-face avec plusieurs tableaux comme Oedipe et le sphinx ou le triptyque consacré à la mort de George Dyer (l'amant de Bacon), le livre détaille les impacts de la peinture de Bacon sur celui qui en fait l'expérience : sa violence ouvre alors l'auteur à des séquences de sorcellerie de son enfance africaine qui vont lui donner une clef pour traverser cette épreuve.
Mais au fil de la nuit on accède au coeur d'une odyssée heureuse ; en tournant dans son labyrinthe de sensations extrêmes, Yannick Haenel dévoile un aspect moins connu de la peinture de Bacon : la sensualité de ses couleurs, la fraîcheur sexuelle de son bleu.
L'expérience de jouissance culmine dans une illumination scandée par la dernière chanson de David Bowie lorsque l'auteur, qui a demandé à ce qu'on coupe toutes les lumières à trois heures du matin, évolue dans le musée avec une lampe torche à la main et danse extasié en voyant la peinture sortir du mur, comme à Lascaux. -
Prix Médicis Essai 2021 Si l'on s'en tient aux faits, l'auteure passe la nuit du 7 au 8 mars 2020 au musée du Louvre, section des Antiques, salle des Cariatides, avec un sac en bandoulière dans lequel il y a, entre autres, une barre de nougat illicite.Les faits, heureusement, ne sont rien dans ce livre personnel, original, traversé d'ombres nocturnes et de fantômes du passé, de glissades pieds nus sous la Vénus de Milo, ce livre joyeux et mélancolique, qui précise vite son intention : « Je suis venue ici cette nuit pour redevenir la fille de mon père. »Quel père, en fait ? Celui, biologique, né en 1951 dans un village du Monténégro, alors une partie de la défunte Yougoslavie, qui vient à Paris par amour, par fuite, pour voir le Louvre, une ville dans la ville, un père qui ne sait pas bien parler le français et voit tout en noir et blanc. Celui, plus probable, le père exilé à qui l'on a dit que « sa fille ne parlera jamais français », l'esthète-pilleur qui se promène l'air de rien avec sa fille Jakuta au Louvre, et lui demande, lui transmet en héritage : « Et toi, comment t'y prendrais-tu pour voler la Joconde ? ». En effet : comment ? Même si l'auteure exprime que « la honte vous rassemble bien mieux que le reste », il serait aisé, après la lecture, d'affirmer que l'amour, celui réciproque d'un père pour sa fille unique, vous rassemble et vous tient debout. Comme la Vénus de Milo, les siècles durant.
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« Pourquoi, parmi tous les musées du monde, j'ai choisi d'aller dormir au milieu des Poussin à deux kilomètres de chez moi ? Aimer Poussin, le classique des classiques, il y avait eu, dans cette préférence affichée dès mon adolescence, une part incompressible de snobisme. Passer la nuit au milieu des Poussin était une manière de revenir sur mes années jeunesses. Et sur l'absence de celles de Poussin. Car ce peintre apparait immédiatement classique. De ses années parisiennes, ses années et oeuvres de jeunesse, nous ne connaissons presque rien. Tout ce que nous savons, d'ailleurs, c'est Balzac qui l'a inventé, en faisant du jeune apprenti peintre le héros du Chef-d'oeuvre inconnu.
Les hasards du calendrier ont voulu qu'au moment de cette nuit au Louvre, j'étais justement en train de redécouvrir mon propre chef d'oeuvre inconnu : une oeuvre honteuse et immontable. Il y a vingt ans, en arrivant à Paris, j'avais en effet accroché une petite caméra à mon cou, avec laquelle j'ai filmé mes années d'apprentissage. Il y a là quarante-huit heures de film que j'avais décidé, pour la première fois, de visionner en entier. J'en étais pile à la moitié, à la moitié de ma jeunesse quand j'ai passé une nuit entouré des oeuvres de ce grand peintre sans jeunesse. Et comme je comprenais qu'il ait caché celle-ci, moi qui étais rendu depuis plusieurs jours à la mienne. Car la jeunesse a toujours quelque chose de honteux. Surtout quand on voudrait qu'elle soit celle d'un jeune artiste. Qui devra multiplier les expériences et les échecs, découvrir sa personnalité, rejouer l'éternelle comédie de la montée à Paris et des débuts dans la vie.
Au peintre de l'éternelle maturité qu'est Poussin, j'ai donc essayé de prêter une oeuvre de jeunesse, maladroite et fervente : la mienne. »A. B. -
écris-moi vite et longuement : lettres à Véronique Campion
Françoise Sagan
- Stock
- La Bleue
- 29 Septembre 2021
- 9782234092532
« Chère Véronique, Ton coup de téléphone m'a enchantée. Figure-toi que je rentrais juste à 5h30 du matin, sur la pointe des pieds lorsque le téléphone a sonné. Comme il est dans ma chambre, j'ai pensé que mon père allait arriver et, me voyant tout habillée, m'engueuler. Aussi, me suis-je jetée tout habillée avec mon manteau sous les draps et les draps sur le nez ; j'ai parlé à mon père. Après je t'ai parlé et me suis relevée en riant aux éclats, déshabillée et recouchée. Quand rentres-tu ? Il s'est passé des choses notables ici, pas tellement sur le plan sentimental d'ailleurs mais sur le plan travail. J'en suis à la page 112 dactylographiée et n'aurai pas fini avant 50 pages, je crois. Claude Roy, l'éminent critique littéraire, l'a lu et m'en a dit fort grand bien. Bref, je suis enchantée, et ne fais que ça. Le seul ennui c'est que Guy Scheler ressemble à Luc (le héros). Et que tout se mélange agréablement, la vie dépassant la fiction, comme tu le sais. Dieu sait où tu es, ce que tu fais ? N'es-tu pas enceinte au moins ? Si tu reviens vite, je m'occuperai de toi, sinon reviens vite quand même. Je m'ennuie de toi, mon vieux, c'est fou. Tu me trouveras changée, beaucoup plus drôle sans doute. Enfin rentre et dépêche-toi, la plaisanterie a assez duré ! Vive la rue de Constantinople (je t'aiderai à passer les premiers pénibles jours de ton retour).
Kiki Françoise ».
Voici le ton de la correspondance de la jeune Françoise Sagan à son amie chère, Véronique Campion. Après la publication de Bonjour Tristesse en 1954, Sagan découvre à dix-neuf ans le succès, le milieu littéraire et l'Amérique lors de la tournée mondiale organisée autour de son livre. Elle écrit ses émois, ses voyages et ses rencontres à coup de lettres enflammées et de télégrammes espiègles adressés à son amie restée en France. Cette correspondance joyeuse, mutine, adorable, fait déjà résonner la « petite musique » de tous les livres à venir. Une publication inédite qui donne à voir une nouvelle facette de l'écrivaine.
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La Fontaine, une école buissonnière
Erik Orsenna, Dominique Pinon
- Stock
- La Bleue
- 16 Août 2017
- 9782234082489
« Depuis l'enfance, il est notre ami. Et les animaux de ses Fables, notre famille. Agneau, corbeau, loup, mouche, grenouille, écrevisse ne nous ont plus jamais quittés.
Malicieuse et sage compagnie !
Mais que savons-nous de La Fontaine, sans doute le plus grand poète de notre langue française ?
Voici une promenade au pays vrai d'un certain tout petit Jean, né le 8 juillet 1621, dans la bonne ville de Château-Thierry, juste à l'entrée de la Champagne. Bientôt voici Paris, joyeux Quartier latin et bons camarades : Boileau, Molière, Racine.
Voici un protecteur, un trop brillant surintendant des Finances, bientôt emprisonné. On ne fait pas sans risque de l'ombre au Roi Soleil.
Voici un très cohérent mari : vite cocu et tranquille de l'être, pourvu qu'on le laisse courir à sa guise.
Voici la pauvreté, malgré l'immense succès des Fables.
Et, peut-être pour le meilleur, voici des Contes. L'Éducation nationale, qui n'aime pas rougir, interdisait de nous les apprendre. On y rencontre trop de dames « gentilles de corsage ».
Vous allez voir comme La Fontaine ressemble à la vie : mi-fable, mi-conte.
Gravement coquine. » E. O.
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« Tristan et Iseut. L'ennui tombe, à peine leurs deux noms prononcés. Ils s'aiment, c'est entendu. Qu'en dire de plus ? Comment Tristan et Iseut ont-ils fait pour ne pas s'ennuyer et pour traverser les siècles avec leur amour idéal, brûlant, intact ? Comment sont-ils restés un modèle de l'amour depuis le Moyen Âge ? C'est qu'ils ne le sont pas restés. Ils le sont devenus. Tels que nous les connaissons, ils sont une invention du XIXe siècle. ».
Que nous disent Tristan et Iseut aujourd'hui ? Michel Zink cherche une réponse en suivant les sinuosités de la légende médiévale, les interrogations, le trouble, les réticences, les enthousiasmes qu'elle a suscités à l'époque même. Tristan et Iseut s'aiment à la vie, à la mort. Ils incarnent la passion amoureuse à l'état pur. Mais qu'est-ce donc que cet amour de deux drogués, qui ont bu par erreur un breuvage que les poèmes médiévaux appellent un « poison » ? Cet amour qui saccage devoirs et fidélités ? Ces amants rusés, sournois, parfois cruels ?
Fasciné, séduit et effrayé par eux, le Moyen Âge s'interroge. Nous aussi. Nos premiers romans, au XIIe siècle, nous font entrer dans une ère du soupçon qui est plus que jamais la nôtre.
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Nous sommes le 5 novembre 2019 et je m'apprête à passer la nuit seul dans la Grande Galerie de l'Évolution du Muséum d'Histoire naturelle de Paris.
Cette perspective est-elle si effrayante ? Je n'ai pas l'intention de laisser ma peau aux taxidermistes du muséum ! Ils ont assez à faire avec l'éléphant de mer. Je suis sans doute le seul de la bande au contraire qui ne risque rien dans les heures à venir. Sont réunies ici les conditions de la plus parfaite sérénité. Ces toisons soyeuses, ces pelages, ces peluches... n'est-ce pas ce qui depuis toujours rassure l'enfant craintif dans le grand vide noir de la nuit ?
Cette nuit dans la grande galerie, Éric Chevillard la passera plus précisément dans la salle des espèces disparues et menacées. Et si triste est le constat du regroupement de ces deux populations, le lieu, effrayant, exotique, fantasmagorique est plus que propice à l'écriture.
De déambulations en contemplations, l'auteur en vient à s'imaginer sauveur de ces mondes perdus. S'ensuivent des pages sublimes et virevoltantes dans lesquelles il tente de faire revenir à la vie des animaux disparus, notamment un oeuf de vorompatra,, grand émeu volatilisé depuis trois siècles, uniquement par la force d'invocation d'un poème. Car « Pour ressusciter les espèces éteintes, mieux que l'incertain clonage cellulaire, ne serait-il pas judicieux de s'en remettre à la poésie ? ».
Emporté par l'incroyable élan de ce livre, le lecteur ne pourra que tomber d'accord.
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Ceci tuera cela ; image, regard et capital
Annie Le Brun, Juri Armanda
- Stock
- Les Essais Stock
- 3 Mars 2021
- 9782234088115
On ne compte plus les critiques de l'ère numérique. Mais elles ont en commun de ne pas voir la nouveauté d'un monde où, pour la première fois, le capital et la technologie se confondent absolument, obéissant à la même croissance exponentielle, avec la même visée de tout réduire à un objet de calcul.
Ainsi le regard humain est-il devenu pour le capital la matière première la plus recherchée. Surtout depuis que la production et la reproduction des images sont redéfinies par la révolution que représente l'instantanéité de leur distribution. Aussitôt produite, toute image peut être immédiatement diffusée par n'importe quel possesseur de smartphone - autrement dit, tout le monde.
En une dizaine d'années, la distribution s'est imposée au coeur d'une nouvelle économie du regard, où il n'est aucune image qui ne soit en même temps objet de profit et moyen de contrôle.
Il en résulte une complète reconfiguration de notre perception. N'existe plus que ce qui est rendu visible par la technologie. Rien n'échappe à cette dictature de la visibilité, qui nous empêche de voir à quelle modélisation nos vies sont continuellement soumises, en fonction d'algorithmes envahissant tous les domaines, scientifique, politique, esthétique, éthique, érotique... Persuadés d'être de plus en plus libres, nous nous sommes bâti la plus inquiétante prison d'images.
Comme d'autres ont autrefois réussi à sortir du labyrinthe qui les retenait en en reconstituant les plans, notre seule chance est d'essayer de comprendre quelle sombre histoire se trame entre image, regard et capital. En dépend le peu de liberté qui nous reste.
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Quelle est cette main inconnue et surpuissante qui attrape Enki Bilal au beau milieu de la nuit et le projette sur un lit de camp ?
Quel est ce lieu mystérieux et hanté dans lequel il a atterri ?
Qui sont ces créatures, minotaure, cheval ou humains déformés, que l'artiste rencontre en essayant de trouver son chemin dans ce labyrinthe sombre et inquiétant ?
Que lui veulent-elles ? Et dans quel état sortira-t-il de cette incroyable nuit ?
Dans une déambulation hallucinée, Enki Bilal croise tant les personnages de Picasso, ses muses, ses modèles, que le grand maître lui-même et Goya, son idole. Son errance dans les couloirs du Musée Picasso prend la forme d'une rêverie éveillée qui nous fait toucher du doigt l'oeuvre du peintre espagnol d'une façon sensorielle et envoûtante, pour aboutir en épiphanie à la présentation de Guernica, la grande toile du maître. -
« Il y a un peu moins d'un an, ma vie a changé. J'ai écrit et coréalisé un documentaire qui traitait du sexisme systémique et du harcèlement sexuel dans les rédactions sportives en France. Pour moi, pour les rédactions, pour les intervenantes et pour certains hommes, la sortie du film a été une déflagration. Des enquêtes internes ont été dirigées dans les grandes rédactions sportives, des hommes ont été ciblés, certains ont été licenciés, entendus dans des enquêtes judiciaires. On m'a proposé il y a quelques mois de poursuivre ma réflexion sur le sujet et d'en faire un essai. Non, je ne suis pas légitime pour écrire sur la place des femmes à la télévision, je ne suis pas assez engagée, je ne suis pas la bonne personne.Pour l'heure, je me concentre sur des plans concrets. Aujourd'hui, j'ai un rendez-important. Mon interlocuteur me parle de lui, de sa longue carrière, jusqu'à sa nomination à la tête d'une rédaction. Et puis il évoque mon parcours, ce que nous pourrions faire ensemble. Il me dit être fan de football et me suivre depuis des années. Quand soudain, cette phrase. "Et puis, j'ai vu ton documentaire alors je me suis dit, c'est formidable, cette fille a aussi un cerveau."Cette phrase. Elle est comme une gifle. Devant mon air ébahi, il tente une blague et passe vite à autre chose. C'est trop tard. C'est cette phrase qui me convainc instantanément d'écrire ce livre. Le travail est loin d'être fini. En fait, il ne fait que commencer. »M. P.
Un essai percutant qui raconte de l'intérieur les violences sexistes organisées qui persiste à l'égard des femmes journalistes. Marie Portolano, figure bien connue du petit écran, y raconte la difficulté de se construire professionnellement dans un milieu qui, sous couvert de laisser leur chance aux femmes, les essentialise et les enferme dans une place unique : celle de la femme parfaite, de la journaliste quasi muette, bref, de la femme du plateau. Un plaidoyer engagé qui refuse toute concession et analyse les raisons de ces pratiques et propose réflexions et outils pour sortir de ce statut quo. -
« Un «tableau mort» - en termes de vente aux enchères - qualifie les oeuvres qui ne peuvent être authentifiées pour quelque raison étrangère à l'oeuvre même. Mais parfois ces dénommés «tableaux morts» suggèrent plus de vie que bien d'autres toiles authentifiées par convenance. ».
Quand elle visite, dans le cadre de la collection « Ma nuit au musée », les salles du musée Thyssen-Bornemisza, à Madrid, en mars 2019, Zoé Valdés cherche des toiles qui n'y sont pas, ou n'y sont que dans son souvenir. Sachant que l'art l'a sauvée « de la constante incurie sociale et politique » qui régnait à Cuba, Zoé va faire une étrange plongée dans un monde mi-chimérique mi-réelle qui nous entraîne à la poursuite de deux muses, et deux peintres célèbres, Balthus et Bonnard.
Comment les aborder, ces deux maîtres de la pose suggestive, érotique, infantile, faussement innocente, que par le roman-résurrection du passé ?
Le livre se divise alors en deux parties : la première met en scène, sous l'apparence joueuse de l'imaginaire, une jeune modèle qui pose pour Balthus, jouant au chat et à la souris avec le maître du « Passage du commerce Saint-André ». Qui regarde qui ? Qui désire qui ? L'art produit-il du rêve, à mi-conscience, ou au contraire du réel brûlant ?
La deuxième partie nous montre une autre muse, Renée de Monchaty, amante idéalisée par Pierre Bonnard dans « Femme à sa toilette », et qui se suicida par amour déçu, en 1925. Les muses sont des jeunes filles, des adolescentes parfois, des innocentes sacrifiées sur l'autel du désir des peintres. Aujourd'hui, elles feraient des procès. A l'époque, elles n'avaient le choix que de poser pour de l'argent, ou pire, par dévotion.
Dans ce récit somnambulique et sensuel, teinté du réalisme magique de l'Amérique latine, le vrai et le faux s'entrelacent comme des fleurs vénéneuses.
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Alain Finkielkraut poursuit sa confrontation passionnante avec la modernité.
Sur les questions de l'identité nationale, de l'immigration et de la laïcité, de l'école, du style de vie, de l'inégalité des civilisations, des moeurs, il tient un discours qui tranche sur la bien-pensance ambiante mais qui ne peut être récupéré nulle part.
Aucune idole contemporaine, aucun mot d'ordre branché, aucune facilité de pensée ne lui en imposent ni ne masquent à ses yeux l'essentiel : le délitement de nos sociétés saisies par le vertige de la nouveauté et de la désidentification. Le tourbillonement contemporain et le jeunisme déchaîné n'ont pas grâce à ses yeux. Mais c'est tout de même dans le camp des modernes qu'il habite, la Cité qui est la sienne est issue des Lumières et non de la contre-Révolution. C'est en moderne qu'il parle aux modernes et leur dit : cessez de vous aveugler.
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« Toute personne qui prend sur elle d'ouvrir le dossier de l'identité doit s'attendre à s'y brûler les doigts. C'est un sujet des plus délicats, et des plus dangereux, d'autant qu'il est incandescent : à son contact se propage un feu qui éblouit peut-être, qui aveugle sûrement, mais qui n'éclaire ni ne réchauffe. ».
Dans cet autoportrait philosophique, l'auteur affronte le plus épineux des problèmes, celui que nous pose notre identité. Pourquoi la simple information d'un lieu de naissance est-elle la source des souffrances les plus empoisonnées ?
Né au Liban et se voulant « plus français que les Français », Paul Audi se livre à une analyse rigoureuse et sensible des mécanismes combinés de la honte, de l'asservissement au regard des autres et de la haine de soi. Pour pénétrer les arcanes de son trouble et mettre en échec le démon de l'appartenance, il emprunte les chemins que lui désignent la relecture de certaines oeuvres, notamment littéraires et cinématographiques.
Mais c'est à travers une réflexion sur l'identité juive, jusqu'au bouleversant épilogue, que ce texte à la première personne acquiert sa portée véritable : trouvant une sortie au désespoir identitaire, il met au jour une éthique de la cohabitation avec soi, dès lors que l'on a déposé les armes si longtemps brandies contre soi. -
« Jarry, Sade, Meckert, Gabritschevsky, Roussel, Louys, Fourier..., il serait difficile de trouver des personnages dont les préoccupations pourraient être plus en "écart absolu" avec l'esprit de l'époque.
C'est peut-être pourtant grâce à eux qu'il est encore possible de respirer, malgré tout. Toujours est-il qu'au cours des dix dernières années, ce sont eux que j'ai eu besoin de fréquenter. Comme si pour survivre dans un temps de misère, il fallait se tourner vers ce qui s'en éloigne le plus.
Aujourd'hui, le naufrage est tel que le moment est venu de briser le secret : c'est sur l'éperdu que je n'aurai cessé de miser. » -
"L'oeuvre de Faulkner m'a toujours paru être ainsi : une révélation différée (sans qu'il y eût là quoi que ce soit à voir avec le suspense du roman policier), qui engendre sa technique, non pas d'élucidation (psychologique, ni sociale, nià) mais, en fin de compte, d'amassement d'un mystère et d'enroulement d'un vertige - accélérés plutôt que résolus par cette folle vertu du différement et du dévoilement - autour d'un lieu qu'il lui faut signifier."Cette intuition profonde, à la fois de la nature et de l'enjeu de l'oeuvre faulknérienne - "la légitimité absolue d'une fondation du Sud" - Edouard Glissant en suit les proférations et proliférations, les dérives et les dénis dans cet essai où l'acuité le dispute à l'ampleur, la subtilité d'analyse à la véhémence poétique.Si Faulkner a, selon Edouard Glissant, "renouvelé de fond en comble, c'est-à-dire de case en Grande Maison, les principes de l'épique et du tragique", lui-même, dans cette "approche" où l'altérité fonde paradoxalement la connivence, renouvelle l'essai, rapportant la littérature à son plus haut objectif, "la totalité-monde".Poète, romancier - Prix Renaudot avec La Lézarde - et essayiste de renommée internationale, singulièrement avec Poétique de la Relation (1990), Edouard Glissant est l'un des vice-présidents du Parlement international des écrivains.
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En terrain miné
Elisabeth de Fontenay, Alain Finkielkraut
- Stock
- La Grise
- 13 Septembre 2017
- 9782234083424
« Cher Alain, Nous avons donc décidé d'échanger des lettres plutôt que de nous entretenir de vive voix. L'utilisation de ce vieil outil littéraire me semble prudente et bénéfique, bien que je me demande si elle n'est pas une dérobade. Malgré mon goût de l'affrontement, je redoutais en effet ta présence et ce que le tac au tac implique de violence. Autrement dit, je craignais de me heurter en temps réel sur du non négociable et de voir bientôt se lézarder une chère et ancienne amitié. » « Chère Élisabeth, Si je tirais sur tout ce qui bouge, tu aurais raison de vouloir m'en dissuader, et il me semble que je serais assez avisé pour suivre ton conseil. Mais je n'ai rien d'un tireur convulsif. Et lorsqu'il m'arrive de perdre mon sang-froid, c'est parce que je suis la cible favorite de ceux qui n'ont que le mot changement à la bouche et pour qui rien ne bouge. »
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Ethnomythologiques : petits objets du quotidien
Tobie Nathan
- Stock
- Les Essais Stock
- 12 Octobre 2022
- 9782234089563
Êtes-vous plutôt Havaïanas ou Birkenstock ?
Kebab ou graines alimentaires ?
L'application Yuka a-t-elle révolutionné votre façon de faire les courses ou avez-vous cédé à la livraison Deliveroo ?
Dans ses chroniques mensuelles pour Philosophie magazine, Tobie Nathan s'est attaché à décoder nos nouvelles pratiques en se faisant ethnomythologue, à savoir, en explorant à partir de l'ethnologie, de la mythologie et de la psychanalyse, le sens caché de nos objets contemporains.
Prenons le jean slim qui souligne nos formes : a-t-il encore quelque chose à cacher ? La réponse se trouve peut-être chez les Indiens d'Amazonie.
Et la gourde en métal ou en verre, qui remplace petit à petit la bouteille en plastique, incarne-t-elle une salutaire prise de conscience écologique ou est-elle la confirmation des théories d'une pionnière de la psychanalyse ?
Quant aux monocycles électriques qui envahissent rues et trottoirs, saviez-vous que ce sont probablement les mythes grecs antiques qui ont donné des ailes à ce nouveau moyen de transport urbain ?
Réexplorant ainsi nos nouvelles lubies, Tobie Nathan en fait surgir avec humour l'étrangeté souvent, l'ironie parfois, et une certaine absurdité de notre monde.
Chacun a éprouvé/testé /adoré au moins une ces lubies contemporaines et s'y reconnaîtra. -
Dans la ligne d'Un coeur intelligent, Alain Finkielkraut s'attache cette fois au thème de l'amour tel qu'il est traité dans quatre grands romans, de facture, d'époque et d'auteurs très variés :
Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves Ingmar Bergman, Les Meilleures Intentions Philip Roth, Professeur de désir Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être Comme il excelle à le faire, il donne à ceux qui n'ont pas lu le livre les clefs pour comprendre l'intrigue, en même temps qu'il éclaire le roman de sa vaste culture, littéraire et philosophique ; sous sa plume, les personnages de ces quatre romans deviennent des enjeux existentiels lestés de tout le poids qu'une lecture distraite, ou conventionnelle, laisse inaperçu.
Tout le monde a lu ou entendu parler de La Princesse de Clèves ou de L'insoutenable légèreté de l'être, mais personne n'avait su donner à ces livres l'écho qu'Alain Finkielkraut leur confère.
Encore une fois, il s'attache à montrer tout ce que peut la littérature, c'est-à-dire nous permettre une meilleure lecture de nos vies.