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Un jour où, comme à l'accoutumée, il mène glander les porcs à travers la chênaie, un jeune paysan voit un carrosse s'arrêter dans le chemin. Une fille très parée en descend et trousse haut ses jupes sous les yeux stupéfaits de l'enfant caché dans les fougères.
Cette apparition éblouissante, la chair blanche et les dentelles, le pouvoir qu'ont les puissants de jouir avec arrogance du luxe et de la beauté, il va désirer les faire siens.
Arraché à sa condition, il restera pendant vingt ans au service du peintre Claude le Lorrain. Mais la peinture n'aura pas su le faire prince et combler ses espérances.
C'est, pour finir, au coeur des bois qu'il se taille son royaume, un royaume sans illusions, simple et noir, fait de jouissances immédiates et d'un dépit triomphant qui fait résonner dans l'ultime phrase du livre ses accents diaboliques : « Maudissez le monde, il vous le rend bien. » -
« Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant » : ainsi commence La Petite Lumière. C'est le récit d'un isolement, d'un dégagement mais aussi d'une immersion. Le lecteur, pris dans l'imminence d'une tempête annoncée mais qui tarde à venir, reste suspendu comme par enchantement parmi les éléments déchaînés du paysage qui s'offrent comme le symptôme des maux les plus déchirants de notre monde au moment de sa disparition possible.
L'espace fait signe par cette petite lumière que le narrateur perçoit tous les soirs et dont il décide d'aller chercher la source. Il part en quête de cette lueur et trouve, au terme d'un voyage dans une forêt animée, une petite maison où vit un enfant. Il parvient à établir un dialogue avec lui et une relation s'ébauche dans la correspondance parfaite des deux personnages. Cette correspondance offre au narrateur l'occasion d'un finale inattendu.
La petite lumière sera comme une luciole pour les lecteurs qui croient encore que la littérature est une entreprise dont la portée se mesure dans ses effets sur l'existence. -
Varlam Chalamov a passé dix-sept ans de sa vie (de 1937 à 1954) au Goulag, à la Kolyma, une presqu'île de l'est de la Sibérie. Dans les récits qu'il en rapporte, le texte est avant tout matière : il est corps, pain, sépulture. À l'inverse, la matière du camp, les objets, la nature, le corps des détenus, sont en eux-mêmes un texte, car le réel s'inscrit en eux.
Le camp aura servi à l'écrivain de laboratoire pour capter la langue des choses. Il est, dit Chalamov, une école négative de la vie. Aucun homme ne devrait voir ce qui s'y passe, ni même le savoir. Il s'agit en fait d'une connaissance essentielle, une connaissance de l'être, de l'état ultime de l'homme, mais acquise à un prix trop élevé. C'est un savoir que l'art, désormais, ne saurait éluder. -
Il y a d'un côté le colosse unijambiste et alcoolique, et tout ce qui va avec : violence conjugale, comportement irrationnel, tragicomédie du quotidien, un « gros déglingo », dit sa fille, la narratrice, un vrai punk avant l'heure. Il y a de l'autre le lecteur autodidacte de spiritualité orientale, à la sensibilité artistique empêchée, déposant chaque soir un tendre baiser sur le portrait pixellisé de feu son épouse. Mon père, dit sa fille, qu'elle seule semble voir sous les apparences du premier. Il y a enfin une maison, à Carrières-sous- Poissy et un monde anciennement rural et ouvrier.
De cette maison, il va bien falloir faire quelque chose à la mort de ce Janus, gaillard fragile à double face.
Capharnaüm invraisemblable, caverne d'Ali-Baba, la maison délabrée devient un réseau infini de signes et de souvenirs pour sa fille qui décide de trier méthodiquement ses affaires. Comment déceler une cohérence dans ce chaos ? Que disent d'un père ces recueils de haïkus, auxquels des feuilles d'érable ou de papier hygiénique font office de marque-page ?
Et puis, un jour, comme venue du passé et parlant d'outre-tombe, une lettre arrive, qui dit toute la vérité sur ce père aimé auquel, malgré la distance sociale, sa fille ressemble tant. -
Dans ce récit écrit sans artifices, tönle, berger du plateau d'asiago, à la frontière du royaume d'italie et de l'empire austro-hongrois, doit, pour survivre et nourrir sa famille, se faire contrebandier, soldat, mineur en styrie, colporteur d'estampes jusqu'aux carpates, jardinier à prague, gardien de chevaux en hongrie.
Mais pour ce solitaire anarchisant, le monde finit avec la première guerre mondiale, quand le plateau se transforme en un champ de bataille oú il erre obstinément en compagnie de ses moutons. c'est avec eux qu'il repassera la frontière, prisonnier civil sur ces terres oú il fut libre. il mourra au pied du plateau. les romans de mario rigoni stern (1921-2008) sont devenus en italie comme en france des classiques.
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47 % des vertébrés disparus en dix ans : faut qu'on se refasse une cabane, mais avec des idées au lieu de branches de saule, des images à la place de lièvres géants, des histoires à la place des choses.
Olivier Cadiot Il faut faire des cabanes en effet, pas pour tourner le dos aux conditions du monde présent, retrouver des fables d'enfance ou vivre de peu ;
Mais pour braver ce monde, pour l'habiter autrement, pour l'élargir.
Marielle Macé les explore, les traverse, en invente à son tour. Cabanes élevées sur les ZAD, sur les places. Cabanes bâties dans l'écoute renouvelée de la nature, dans l'élargissement résolu du « parlement » des vivants, dans l'imagination d'autres façons de dire « nous ». Cabanes de pensées et de phrases, qui ne sauraient réparer la violence faite aux vies, mais qui y répliquent en réclamant très matériellement un autre monde, qu'elles appellent à elles et que déjà elles prouvent.
Marielle Macé est née en 1973. Ses livres prennent la littérature pour alliée dans la compréhen- sion de la vie commune. Ils font des manières d'être et des façons de faire l'arène même de nos disputes et de nos engagements.
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« Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'alors apparussent comme des apparitions », écrivait Van Gogh il y a justement un siècle. Ces portraits, on peut douter qu'ils apparaissent aujourd'hui : comble de la valeur marchande, ils sont aussi peu visibles que les effigies des billets de banque. C'est que Van Gogh, qui accessoirement était peintre aussi, est une affaire en or. Dans cette affaire, il est bien au-delà de son oeuvre maintenant, nulle part.
J'ai voulu le voir en deçà de l'oeuvre ; par les yeux de quelqu'un qui ignore ce qu'est une oeuvre, si ce phénomène était encore possible à la fin du siècle dernier ; quelqu'un qui vivait dans un temps et dans un milieu où la mode n'était pas encore que tout le monde comprît la bonne peinture : ce facteur Roulin qui fut l'ami d'un Hollandais pauvre, peintre accessoirement, en Arles en 1888. Et bien sûr je n'y suis pas parvenu. Le mythe est beaucoup plus fort, il absorbe toute tentative de s'en distraire, l'attire dans son orbite et s'en nourrit, ajoutant quelques sous au capital de cette affaire en or, sempiternellement.
Cet échec est peut-être réconfortant : il me permet de penser que le facteur Roulin se tient nécessairement devant qui l'évoque à la façon d'une apparition, comme le voulait celui qui le fit exister. -
La vie s'entend à s'attacher les services des créatures en qui elle est éparse et persiste. Il n'y a que les nôtres qu'elle paraisse un peu dédaigner. On ne serait pas, sans cela sujet au doute. On n'aurait pas tous ces regrets ni cette envie, souvent, de ne plus vouloir. La tentation d'abandonner ne serait pas tapie au creux de chaque jour et jusqu'au coeur de nos entreprises.
Cette félicité qu'il faut supposer aux animaux, elle nous a peut-être été accordée un très court instant, au commencement. Il serait dans sa nature non seulement qu'elle se dissipe mais que son souvenir lui-même s'efface après qu'elle a rempli son office, qui est que nous restions. Ensuite, nous vivons par habitude. Quelques complications, du côté de mes origines, ont laissé dans ma mémoire deux ou trois fragments que je soupçonne d'en être issus. -
Atteint du syndrome d'Asperger, l'homme qui se livre ici aime la vérité, la transparence, le scrabble, la logique, les catastrophes aériennes et Sophie Sylvestre, une camarade de lycée jamais revue depuis trente ans. Farouche ennemi des compromis dont s'accommode la socialité ordinaire, il souffre, aux funérailles de sa grand-mère, d'entendre l'officiante exagérer les vertus de la défunte. Parallèlement, il rêve de vivre avec Sophie Sylvestre un amour sans nuages ni faux-semblants, et d'écrire un Traité de criminologie domestique. Par chance, il aime aussi la solitude.
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Au seuil de la mort, un homme achève l'expérience extrême de l'abandon. Pour conjurer l'angoisse, il raconte avec pudeur et douceur, sa cruelle traversée, réveillant un à un, dans ce village oublié des Pyrénées aragonaises, les visages que la maladie, la vieillesse, la guerre mais surtout l'exode ont emportés jusqu'au dernier.
Ce chant âpre et fascinant - écrit dans une langue simple, imagée, sensible et enveloppante -, emporte celui qui écoute vers un point de vertige où s'évanouissent ensemble l'éphémère et l'éternel. -
Une vie humaine sans justice est insoutenable. Être privé de justice ou victime d'une injustice, ne pas voir ses droits reconnus ou devoir demander en vain réparation pour un tort subi : autant de situations qui portent atteinte à notre humanité.
Alors il arrive que, réclamant justice et ne trouvant pas satisfaction, nous basculions dans la fureur et la violence, voire la folie, la vengeance et le crime.
Il y a là un paradoxe : comment le fait de réclamer justice peut-il aboutir à commettre l'injustice ? Les raisons sont-elles psychologiques ? politiques ? Ou est-ce parce que la demande de justice repose sur une idée floue de ce qui est juste, de ce qui devrait l'être ? Ou encore, ce péril ne résiderait-il pas dans le fait même que l'exigence de justice qui définit notre humanité est par essence infinie ?
Toutes ces questions, aussi intempestives que brûlantes, appellent à jeter un regard neuf sur la différence entre la justice et le droit, entre le juste et le légal. -
Les villes que nous connaissons, où nous aimons errer, sont celles à demi imaginaires qu'ont bâties les écrivains, avec leurs perspectives et leurs avenues et leurs quais de mots, leurs coupoles et leurs colonnes de mots, et aussi leurs poubelles, égouts, remugles et décharges de mots. Celles qu'ils ont peuplées de leurs personnages, si étrangement vivants qu'on tombe parfois sur eux à l'improviste, et c'est comme si une rencontre espérée depuis longtemps advenait enfin. Propos de rêveur, dira-t-on?? Certes. On lit un de ces livres dont une ville est le lieu et puis, débarquant un jour pour la première fois, on constate que rien n'a changé depuis qu'on n'y est jamais allé.
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La scène se passe à Urbino, au palais ducal, à la fin du mois de juin 1502. Dans l'effet de souffle des guerres d'Italie, les petits États tremblent sur leur base?; ils seront à qui s'en emparera hardiment. Insolent et véloce comme la fortune, César Borgia est de ceux-là. Le fils du pape donne audience à deux visiteurs. Le premier est un vieux maître que l'on nomme Léonard de Vinci, le second un jeune secrétaire de la Chancellerie florentine du nom de Nicolas Machiavel.
De 1502 à 1504, ils ont parcouru les chemins de Romagne, inspecté des forteresses en Toscane, projeté d'endiguer le cours de l'Arno. Un même sentiment d'urgence les fit contemporains. Il ne s'agissait pas seulement de l'Italie : c'est le monde qui, pour eux, était sorti de ses gonds.
Comment raconter cette histoire, éparpillée en quelques bribes?? Léonard ne dit rien de Machiavel et Machiavel tait jusqu'au nom de Léonard. Entre eux deux coule un fleuve. Indifférent aux efforts des hommes pour en contraindre le cours, il va comme la fortune. Alors il faut le traverser à gué, prenant appui sur ces mots rares et secs jetés dans les archives comme des cailloux sonores. -
« Donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, loger les pèlerins, visiter les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts?: tels sont les impératifs moraux édictés par l'Église sous le nom d'oeuvres de miséricorde, que le Caravage a illustrés dans un tableau conservé à Naples, et dont tous ceux nés en culture chrétienne sont imprégnés, même s'ils ne les connaissent pas. Ces injonctions morales sont ici mises à l'épreuve de l'expérience - réelle ou imaginaire. »
La découverte du corps de son amant allemand conduit le narrateur à penser crûment son rapport à l'autre ; l'ancêtre tué sur le front, un pauvre hère de passage, un jeune prostitué kurde... et jusqu'aux personnages des tableaux du Caravage. Il questionne la violence de nos gestes, dans la guerre comme dans l'amour, et la puissance obscure des corps, marqueurs d'histoires et de trajectoires. -
Un cochon sème la panique dans le centre de Bruxelles. Autour de la place de la Bourse, un Turc de passage est renversé par l'animal. Un vieux monsieur lui tend la main pour l'aider à se relever?: « Gouda Mustafa prit la main et se releva. Son père l'avait mis en garde contre l'Europe.?» C'est sur cette scène symbolique que débute le roman, haletant et débordant d'imagination, qui nous emmène dans le monde ubuesque de «?l'Europe?».
L'agression du cochon fou n'est pas la seule péripétie du début de ce livre?: dans le même quartier, un homme est tué d'une balle de revolver. Qui est-il, pourquoi a-t-il été tué?? La question sous-tendra le récit jusqu'à sa fin, sans qu'on y apporte de véritables réponses. Le coup de feu a été entendu par un voisin, le Dr Martin Susman, qui travaille à la Commission européenne et sera l'un des personnages principaux d'une autre branche du récit. Ainsi commence à tourner un incroyable manège sur lequel Menasse dispose ses personnages avec une inventivité sans borne et une joie créative aussi sardonique que communicative.
Dans cette atmosphère tantôt spectrale, tantôt burlesque, mais toujours d'une drôlerie aussi fine qu'irrésistible, Menasse s'amuse alors à entremêler la trame de ses récits et à provoquer des croisements entre tous ses personnages. Bruxelles est la scène de son théâtre, il y déroule son récit comme un metteur en scène de talent?: le rythme est précis, l'humour sec et omniprésent, le fond pensé et solidement charpenté. -
« De tous les poètes ses contemporains, pas un, ni même ceux qui ont été dans la Résistance, pas un n'a écrit la révolte et le goût de vivre mêlé au sens de la mort comme Benjamin Fondane. Sa situation de fantôme lui-même, y est sans doute pour quelque chose : un émigrant de la vie traqué sur les fleuves de Babylone. Contre les dualismes de la philosophie, il est dans le continu de la vie à partir du poème et du poème à partir de la vie. Par là il est présent. » - Henri Meschonnic
Ce volume regroupe sous le titre Le Mal des fantômes les cinq livres de poèmes écrits en français, suivant le désir exprimé par Fondane dans la lettre (du 29 mai 1944) qu'il a pu faire parvenir à sa femme du camp de Drancy avant d'être déporté et assassiné à Auschwitz. -
Laetitia est née trois minutes avant sa soeur jumelle Margaux et trente-sept minutes avant l'explosion de Tchernobyl. Malgré des études dans une grande école de commerce, elle grenouille au Snowhall de Thermes-les-Bains, au désespoir de ses parents. Elle vit à La Cave où elle écoute Nick Cave, obsédée par les SUV et la catastrophe climatique en cours.
Il faut dire que Laetitia vit en Lorraine où l'État, n'ayant désormais plus de colonie à saccager, a décidé d'enfouir tous les déchets radioactifs de France. Alors avec sa bande, Taupe, Fauteur, Thelma, Dédé, elle mène une première action spectaculaire qui n'est qu'un préambule au grand incendie final.
Dans ce premier roman haletant où l'oralité tient lieu de ponctuation, Hélène Laurain, née à Metz en 1988, nous immerge au coeur incandescent des activismes contemporains. -
Qui a fait le tour de quoi ? L'affaire Magellan
Romain Bertrand
- Verdier
- Poche
- 1 Février 2024
- 9782378561970
Imaginez une histoire, une belle histoire, avec des héros et des traîtres, des îles lointaines où gîtent le doute et le danger. Imaginez une épopée, une épopée terrible, avec deux océans où s'abîment les nefs et les rêves, et entre les deux un détroit peuplé de gloire et de géants. Imaginez un conte, un conte cruel, avec des Indiens, quelques sultans et une sorcière brandissant un couteau ensanglanté. Un conte, oui, mais un conte de faits?: une histoire où tout est vrai. De l'Histoire, donc.
Cette histoire - celle de l'expédition de Fernand de Magellan et de Juan Sebastián Elcano -, on nous l'a toujours racontée tambour battant et sabre au clair, comme celle de l'entrée triomphale de l'Europe, et de l'Europe seule, dans la modernité.
Et si l'on changeait de ton?? Et si l'on poussait à son extrême limite, jusqu'à le faire craquer, le genre du récit d'aventures?? Et si l'on se tenait sur la plage de Cebu et dans les mangroves de Bornéo, et non plus sur le gaillard d'arrière de la Victoria?? Et si l'on faisait peser plus lourd, dans la balance du récit, ces mondes que les Espagnols n'ont fait qu'effleurer?? Et si l'on accordait à l'ensemble des êtres et des choses en présence une égale dignité narrative?? Et si les Indiens avaient un nom et endossaient, le temps d'un esclandre, le premier rôle?? Et si l'Asie - une fois n'est pas coutume - tenait aussi la plume?? Que resterait-il, alors, du conte dont nous nous sommes si longtemps bercés?? La vérité, peut-être, tout simplement. -
« Ce que j'ai le mieux connu de lui, c'est son silence », écrit Francesca Pollock plus de trente ans après la mort de son père, l'artiste peintre Charles Pollock, frère aîné de Jackson, dont l'oeuvre s'étend sur près d'un siècle.
Dans ce récit intime, l'autrice cherche à percer le mystère de cet homme, disparu en 1988, dont il lui faudra, telle une archéologue, exhumer puis éclairer une à une les oeuvres pour pouvoir entamer un dialogue fécond. Ce travail patient, passionnément accompli durant quelque vingt ans, lui a permis de mettre au jour l'immense talent et la profonde humanité d'un être dévoré par un mythe. -
Ferdinand des possibles est une ode à la différence, à la singularité, à ce que l'on ne connaît pas, à l'imperfection, à l'humanité, à la solidarité, et à la joie aussi. La joie malgré tout.
Francesca Pollock est la belle-mère de Ferdinand, un jeune homme différent, polyhandicapé, dont elle partage l'existence. Dans ce livre, il s'agissait au départ de parler à Ferdinand, lui qui ne parle pas et n'entend pas. Et puis, au fil de l'écriture, de nouveaux mots sont venus pour dire l'expérience unique et inédite de partager sa vie. Ainsi, Francesca Pollock a voulu raconter Ferdinand?: sa manière d'être au monde, ses passions (des frigos, des gares, des voyages), ses inventions et ses trouvailles, et cette façon si particulière qu'il a de résoudre les problèmes et de contourner les difficultés.
«?Je rêve ce petit livre comme un flambeau que l'on se passerait d'âme en âme, car je sais au plus profond de moi que Ferdinand, malgré sa bizarrerie, malgré ses déficiences, et elles sont nombreuses, peut nous aider à vivre.?» F. P. -
« De lui, il me reste seulement le stylo. Je l'ai pris un jour dans le sac de ma mère où elle le gardait avec d'autres souvenirs de mon père. Un stylo comme l'on n'en fait plus, et qu'il fallait remplir avec de l'encre. Je m'en suis servie pendant toute ma scolarité. Il m'a «lâchée» avant que je puisse me décider à l'abandonner. Je le possède toujours, rafistolé avec du scotch, il est devant mes yeux sur ma table de travail et il me contraint à écrire, écrire. »
La philosophe Sarah Kofman est une enfant de sept ans lorsque a lieu la rafle du Vél' d'Hiv'. Le 16 juillet 1942, la police se présente au domicile familial et arrête son père, rabbin d'une petite synagogue du 18e arrondissement de Paris - il ne reviendra jamais.
Commence alors cette période où la famille doit se cacher, se séparer. Pour la fillette, qui vivait tout dans la découverte permanente, c'est comme une épopée, dont l'envers est un déchirement : entre le domicile familial et le lieu de refuge, entre sa mère et la « dame de la rue Labat » - entre deux langues, deux mondes que sépare à peine une rue, un abîme pourtant.
Paru en 1994, ce souvenir d'enfance témoigne de ce que fut la vie des Juifs sous la collaboration, l'Occupation, la guerre. Sarah Kofman en retrace aussi leur traversée comme un récit d'éducation et de rencontres, avec une simplicité et une concision remarquables. Cette nouvelle édition, annotée, est enrichie d'un inédit et des courts textes qu'elle avait le projet, inabouti, de réunir sous le titre : Autobiogravures.
Ce volume est le premier d'une réédition de l'oeuvre de Sarah Kofman par les éditions Verdier, sous la direction d'Isabelle Ullern. -
Publié en 1929, et inédit en français, Une année d'école évoque une année scolaire (1909-1910) dans un lycée de Trieste, avec ceci de particulier?: pour la première fois, dans cette classe préparatoire à l'université, parmi une vingtaine de garçons, se trouve... une fille. Edda Marty a préparé l'examen d'admission qui lui ouvrirait les portes des études supérieures. Et elle a réussi, haut la main.
Stuparich nous offre ici un portrait de jeune fille rayonnante et complexe. Edda s'est installée avec sa famille à Trieste. Brillante, imaginative, animée d'une volonté peu commune, à l'aise tout de suite parmi ses condisciples masculins, plutôt maladroits et immatures, elle opère involontairement chez eux une transformation. Désarçonnés, en proie à des sentiments nouveaux, les garçons ramènent Edda à son statut de femme, alors qu'elle voudrait n'être pour eux qu'une camarade comme les autres. Elle lutte alors pour ne pas être assignée au rôle conventionnel qu'on veut lui imposer et contre ces tentatives masculines de la prendre au piège, d'aliéner la liberté à laquelle elle aspire de toute son âme.
Elle finit pourtant par trouver auprès d'Antero une consolation amicale. Puis vient la sensualité brûlante de l'adolescence. Mais la tentative de suicide d'un des élèves de la classe qui, amoureux d'elle, exalté et désespéré, se tire un coup de pistolet dans le coeur, va bouleverser cet amour naissant. C'est à Edda qu'il reviendra de ramener à la vie le jeune rescapé. Ainsi sacrifie-t-elle son amour pour Antero, par devoir et parce qu'une fois encore on l'assigne à être la femme dont le rôle est défini et circonscrit par les autres.
Ce court roman est avant tout, et c'est là toute sa modernité, une magnifique ode à la jeunesse et à la détermination?: il se termine d'ailleurs par un délicieux renversement carnavalesque dans une scène d'une grande puissance émancipatrice, ouvrant des perspectives aux personnages, malgré la guerre à venir. Évocation très actuelle des rapports entre les sexes, passages éprouvants de l'exaltation à la dépression, de la sensualité à l'abnégation, entrecroisement de la mort et de la vitalité la plus débridée?: tels sont quelques-uns des traits saillants de ce bref roman. -
Voyager vers Trieste, Esna, Kastellorizo, Sismaringen, voyager vers des noms magnifiques, vers des écrivains dont les mots se confondent avec les lieux, comme le bleu des yeux de Joyce se confond avec la la lumière bleue de Trieste.
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Dans une série de scènes érotiques où la joie le dispute à l'énormité des situations et des propos tenus, Anne Serre se livre à un jeu de débordements qui, loin de déconcerter le lecteur, lui offrent un véritable enchantement. Dans une scène originelle, « la table au disque luisant » fonctionne comme objet érotique mais aussi comme objet de divination, objet fascinant chargé de messages que la narratrice sera plus tard amenée à décrypter lorsqu'elle aura quitté l'enfance. Elle rencontre aussi sur son chemin nombre de personnages qui seront pour elle autant de signes qui participeront secrètement à la construction de soi. Au terme d'une errance à la fois dramatique et confiante, elle pourra enfin énoncer la formule magique du conte de Grimm : Petite table, sois mise !
Deux contes brefs - Le-Mat et Le Narrateur - prolongent le charme et la résonance énigmatique de ce premier texte.