Tout à la fois récit, essai, mais aussi témoignage d'une époque et d'un engagement, Des paillettes sur le compost est une exploration sensible et politique du quotidien. Dans un style enlevé - parfois cru, souvent cri -, Myriam Bahaffou montre que c'est dans les replis de situations ordinaires (un rendez-vous chez l'esthéticienne, un déjeuner en terrasse) que se déploie la puissance des écoféminismes.
Elle dynamite les codes et jongle avec les concepts, comme elle navigue dans la vie entre recherche et militantisme. Elle explore, dissèque, raconte des histoires. Loin d'être une philosophie désincarnée, un label marketing ou un argument électoral, l'écoféminisme se révèle en prise directe avec la réalité et la chair. Les mots de Donna Haraway, Audre Lorde, Jacques Derrida et bell hooks se mêlent aux cris des guerrières du Rojava et aux incantations des fées et sorcières... dans ce livre qui, dans la pure tradition écoféministe, laisse joyeusement s'entrelacer les voix et les formes narratives
En 1972, pour contrer un projet de la Walt Disney Company qui menaçait une forêt de séquoias en Californie, le juriste Christopher Stone proposa d'accorder des droits aux arbres et à l'environnement naturel. Avec ce texte, inédit en français jusqu'à sa première traduction par le passager clandestin en 2017, il contribua de façon décisive à la prise de conscience de la valeur intrinsèque de la nature. L'originalité de sa position tient à son caractère juridique, qui confère aux entités naturelles le droit de se défendre en justice.
Dans leurs préfaces respectives, la philosophe Catherine Larrère et la juriste et militante Marine Calmet reviennent sur un débat philosophique et juridique intense qui interroge les liens unissant humains et non-humains sur notre planète.
James Graham Ballard (1930-2009), écrivain britannique, est une figure-clé de la science-fiction. Prophète du « présent visionnaire » et de l'éco-catastrophe, il dépeint dans ses récits les travers de son temps, et donc du nôtre : l'ultra-consommation, l'hégémonie de l'automobile, l'emprise de la télévision...
Dans le sillage de George Orwell et Aldous Huxley, il dénonce les méfaits des « progrès » techniques et des technologies dans des romans sans concession, parfois violents ou dérangeants.
À l'heure de la publicité ciblée et d'une consommation accrue par les réseaux sociaux, Thierry Paquot nous propose de redécouvrir une oeuvre de science-fiction étonnante qui invite à remettre en question notre consommation et nos modes de vie urbains.
Philosophe mais aussi historien, prêtre « en congé » de l'Église, professeur itinérant et polyglotte, fondateur d'une université libre et sans diplôme, Ivan Illich (1926-2002) fut une figure incontournable des débats intellectuels des années 1970. Implacable critique de la société industrielle, il a démontré qu'au-delà d'un certain seuil, les institutions se révèlent contre-productives et a dénoncé la tyrannie des besoins dictés par la société de consommation.
Il oppose au productivisme et à la croissance économique indiscutée une ascèse choisie, un mode de vie qui entremêle sobriété, simplicité et générosité.
Thierry Paquot nous invite à la redécouverte d'une pensée stimulante et anticonformiste qui accompagne aujourd'hui nombre de pratiques alternatives.
« C´est en tant que morts en sursis que nous existons désormais. » Infatigable pourfendeur de la bombe atomique, Günther Anders (1902-1992) qui préférait au titre de philosophe celui de « semeur de panique », a fait des catastrophes de son siècle le point de départ de ses réflexions. Il a analysé le décalage périlleux, provoqué par la société industrielle, entre nos compétences techniques et nos facultés d´imagination. Alors que la technique rend infinie notre capacité de nuisance, notre aptitude à appréhender les conséquences de nos actes s´amoindrit ostensiblement. En soulignant le caractère visionnaire de son oeuvre, Florent Bussy nous rappelle que la peur est un instrument de lucidité et d´adaptation au présent face à l´imminence de catastrophes planétaires.
Militant et essayiste libertaire, ouvrier syndiqué devenu historien des révolutions, Murray Bookchin (1921-2006) est l'un des premiers penseurs à intégrer la dimension sociale et politique à la question écologique. Pour lui, les rapports de domination engendrés par le capitalisme sont à l'origine de la crise environnementale.
La force de sa pensée réside dans la proposition du municipalisme libertaire, alternative démocratique à l'État-nation qui appelle au retour à la gestion humaine des affaires publiques et à la prise de décision collective.
Pour Vincent Gerber et Floréal Romero, le projet profondément humaniste de Bookchin offre des outils pour réinventer la démocratie directe et bâtir une société égalitaire et écologiste.
« Les hommes se reproduisent, non le fer. » Simone Weil (1909-1943) fut une lanceuse d´alerte dont la voix fut recouverte en son temps. Elle nous parvient aujourd´hui alors que les menaces qu´elle avait identifiées s´accomplissent : le système capitaliste est sur le point de se heurter aux limites de notre planète. Aucune existence humaine n´échappant à la nécessité des besoins, ceux conjoints du corps et de l´âme, Simone Weil a tenté de concevoir un projet de civilisation capable d´accorder la tension entre liberté et nécessité. Par son exigence d´une pensée lucide, le refus de la force et de la vitesse, la coopération, la décentralisation, l´amitié et le sens de la beauté, son projet annonce celui de la décroissance. Pour Geneviève Azam et Françoise Valon, son appel à une dissidence ultime doit donc plus que jamais être entendu.
Un manifeste pour lutter contre la barbarie des métropoles ! La métropolisation implique une expansion urbaine incessante et l'accélération des flux et des rythmes de vie. Elle transforme les villes en véritables firmes entrepreneuriales conçues pour peser dans la compétition urbaine planétaire. Ce livre, fruit de vingt-cinq ans de recherche et d'engagement sur le terrain, nous montre comment ces villes génèrent exclusion économique, ségrégation spatiale et souffrance sociale, tout en alimentant la crise écologique. Fers de lance de la start-up nation et pivots de l'organisation territoriale moderne, les métropoles concentrent tous les pouvoirs et dictent leurs lois.
Mais l'auteur brosse aussi le portrait d'une nouvelle société qui émerge hors des grandes villes, un possible plus réjouissant, décroissant et fertile. Dépassant la simple analyse critique, ce livre donne à voir la multitude et la force des résistances et des expériences qui s'opposent à l'extension sans fin du capitalisme dans nos vies, loin des métropoles barbares.
"L'idée d'un marché s'ajustant lui-même était purement utopique".
Historien et anthropologue de l'économie, Karl Polanyi (1886-1964) est l'un des premiers penseurs à intégrer au sein d'une même critique de l'utopie libérale qu'est la société de marché les conséquences sociales et écologiques de son imposition.
L'économie n'est plus au service de la société, mais le marché régit désormais toutes les sphères de la vie humaine. C'est cette inversion, fondée sur notamment sur le mythe d'un marché autorégulateur, que dénonce avec force Polanyi.
À l'heure où il devient nécessaire d'imaginer une transition écologique et démocratique de l'économie, son oeuvre éclairera celles et ceux qui ne se résignent pas à la marchandisation générale de nos sociétés.
La France compte plus de cartes SIM en circulation que d'habitant·es, et demain, avec l'arrivée de la 5G, ce seront tous les objets du quotidien qui seront connectés. Les voitures seront autonomes. Les foyers communicants. Les villes « intelligentes ».
Mais est-on vraiment sûr que l'utilisation tous azimuts d'ondes électromagnétiques ne présente aucun risque ? Absolument pas, répond Nicolas Bérard au terme d'une enquête sur l'envers de cette « révolution technologique ».
Comment et par qui les normes, censées nous protéger, ont-elles été mises en place ? Quels liens entre opérateurs téléphoniques, médias et gouvernements ? Quels sont les effets de cette technologie sur la santé humaine et le vivant ?
À l'aube du développement d'une nouvelle pollution de masse, ces questions ne sont jamais posées dans le débat public.
Le livre qui tord le cou au plan com' d'ErDF et qui montre le vrai visage de ce petit compteur électrique. Linky, c'est le nouveau compteur électrique qu'ErDF veut imposer dans tous les foyers. Surcoût dissimulé, intrusion dans notre vie privée, réel danger pour la santé des usagers. Ce livre fait le point sur tout ce qu'on doit savoir pour refuser l'arrivée de Linky dans nos vies ! Une co-édition avec le journal L'âge de faire ; nouvelle édition mise à jour. Malgré toutes ses prétendues qualités, de plus en plus de citoyens et de communes lui claquent déjà la porte au nez. De manière très documentée, Nicolas Bérard montre tous les aspects néfastes de ce projet qui, en réalité, augmente le coût de nos factures, menace notre vie privée, n'a fait l'objet d'aucune étude sérieuse en termes de santé publique. et supprimera au final plus d'emplois qu'il n'en crée. Avec un cahier pratique pour aider ceux qui veulent éviter l'installation d'un compteur chez eux ou dans leur commune.
J'arrête Amazon, J'arrête la construction de nouvelles autoroutes, J'arrête les vêtements synthétiques, J'arrête les bouteilles d'eau en plastique, J'arrête les terrasses chauffées... Avec une bonne résolution à mettre en oeuvre par semaine, L'an vert accompagne ses lecteur·ices toute l'année et les invite à repenser leur quotidien pour avoir un impact positif sur la planète.
Chaque entrée est structurée de manière identique :
- Quelle action mettre en oeuvre ?
- Pourquoi ? enjeux concrets sur l'environnement - Comment ? des conseils, astuces et pistes à adopter - Un dessin ou jeu humoristique réalisé par Red!
L'auteur balaie tous les aspects de notre quotidien mais rappelle que la prise de conscience individuelle est une porte d'entrée vers une nécessaire mobilisation à grande échelle !
Bien avant d'autres, William Morris, auteur des Nouvelles de nulle part (1890), est parti en guerre contre la civilisation moderne et le capitalisme, sources d'inégalités, d'anéantissement de la noblesse et de la créativité du travail artisanal, de la beauté des objets du quotidien, des milieux urbains et de la nature. Morris incrimine la culture de l'« ersatz », la production au moindre coût, qui est au coeur du capitalisme machiniste dès le XIXe siècle. Une vie sans beauté et sans créativité, dit-il, est une vie d'esclave. La majorité des ouvriers dans les usines y sont condamnés. Morris annonçait en outre le gaspillage provoqué par des productions de mauvaise qualité et le renouvellement constant et artificiel des besoins.
William Morris a lutté toute sa vie contre cette civilisation inégalitaire et sans âme. D'abord du point de vue pratique, par son entreprise de fabrication d'objets utiles, solides et esthétiques - la William Morris and Co -, où il excellait lui-même dans la création de papiers peints, et qui fut à l'origine de l'Art nouveau. Ensuite comme conférencier de la Socialist League, en s'efforçant de gagner la « bataille culturelle » et de convaincre les ouvriers de lutter contre le capitalisme. Il apparaît comme un véritable précurseur de la décroissance, de la relocalisation de l'économie et de l'autonomie dans le travail. Son oeuvre montre, plusieurs décennies avant l'apparition de la société de consommation et la prise de conscience écologique, les impasses dans lesquelles nous sommes entraînés par le capitalisme... et les moyens d'en sortir.
Tout au long de sa vie, Charbonneau a analysé les dangers qui résultent, pour la nature et pour la liberté, de ce qu'il appelait la « Grande mue », c'est-à-dire de la montée en puissance accélérée du progrès technique, scientifique et industriel. Certains spécialistes de l'histoire des idées le considèrent comme un précurseur et un des fondateurs de l'écologie politique française. Mais l'oeuvre de Charbonneau ne se réduit pas à une réflexion sur l'écologie politique. Il a eu, dès sa jeunesse, la conviction que son siècle serait en même temps et pour les mêmes raisons celui du totalitarisme et du saccage de la nature. Son oeuvre nous propose une analyse de vaste ampleur [des coûts de la modernisation et des contradictions du monde moderne. Il étudie l'Etat et le totalitarisme, la culture, le travail et les loisirs, les nourritures... du point de vue de l'individu et de son expérience personnelle. Il annonçait dès les années 1930 la crise écologique, l'aggravation de la bureaucratisation de l'existence et la technocratisation de la vie politique. S'il a été un des rares esprits de son temps à avoir vu juste, c'est parce que ses réflexions sur les aspects de l'évolution du monde moderne s'enracinent dans une exigence de liberté et une attention aux conditions concrètes et sensibles de la vie quotidienne.
Après plus d'un demi-siècle durant lequel l'objectif premier de l'agriculture fut d'augmenter les rendements, quel qu'en soit les conséquences écologiques, sanitaires, sociales ou énergétiques, il est désormais temps d'effectuer un bilan honnête et sans concession. L'agriculture est désormais associée aux OGM, aux pesticides, à la vache folle ou aux fermes-usines. Le consommateur est sommé d'ingérer une malbouffe indigeste.
Les animaux ne sont plus des êtres sensibles mais des usines à viande ou à lait. Malbouffe et maltraitance animale sont ainsi les deux faces d'une même pièce. Parallèlement, le paysan perd son autonomie, sommé de se conformer aux injonctions des multinationales de l'agrochimie, quitte à y perdre la santé. L'eau contaminée, l'air pollué, la terre artificialisée, l'énergie gaspillée, voilà le triste constant d'une agriculture en guerre avec le vivant.
Mais à côté de ce bilan bien sombre nait une multiplicité d'alternatives agricoles et alimentaires, foisonnement revigorant. Ce jaillissement est tel qu'il ne laisse aucune place à la sinistrose. La transition agricole et alimentaire ne se conjugue pas au futur mais bel et bien au présent. Localement, des milliers d'alternatives recréent du lien et permettent de renouer avec une nouvelle façon de s'alimenter et de produire. Aux quatre coins du territoire, des paysans, des consommateurs ou des écologistes se prêtent main forte pour stimuler une nouvelle agriculture bio, locale et de saison.
Pour fournir, chaque année, plus de 70 milliards de tonnes de « ressources naturelles » diverses aux chaînes de production et de consommation de marchandises, les « frontières extractives », c'est-à-dire les limites géographiques et technologiques de cette activité sur la planète, sont sans cesse repoussées par le capitalisme industriel. C'est à cet envers largement occulté de la « croissance » économique qu'est consacré ce livre coup de poing. L'extractivisme ne renvoie pas qu'à l'extraction à outrance des ressources naturelles non renouvelables - minerais et hydrocarbures -, il concerne aussi les grands projets hydroélectriques, l'agriculture industrielle, les monocultures forestières, la pêche intensive...
L'appétit sans limite de la mégamachine productiviste a fait de l'extractivisme une activité coupée du réel et indifférente à ses effets destructeurs pour les peuples, la biodiversité et la sauvegarde du système Terre.
En une plongée vertigineuse au coeur de la « planète-marchandise », Anna Bednik procède à l'étude documentée des logiques de notre « société autophage » (Anselm Jappe) : qu'extrait-on ? Où et comment le fait-on ? Qui extrait ? Avec quels objectifs, quels discours de légitimation, quelles conséquences réelles et quelles perspectives pour l'avenir ? Au Sud, mais également au Nord - comme le montre l'exemple des gaz et huiles de schiste -, partout l'extractivisme est synonyme de transformation de vastes territoires en « zones de sacrifices ». Il est ainsi devenu le nom de l'adversaire commun pour de multiples résistances collectives et locales. Ce sont aussi les raisons, les formes et la portée de ces résistances que restitue ce livre aujourd'hui largement considéré comme une référence sur le sujet.
Lewis Mumford nous aide à dénoncer les méfaits du « toujours plus » et du « gigantisme » propres au capitalisme actuel, afin de redonner à chacun sa part d'autonomie, indispensable au mieux-être.
Lewis Mumford se présente comme un « généraliste » heureux de l'être, car cela lui permet d'associer des disciplines opposées, d'enrichir des questionnements inattendus, de contester des interprétations, à ses yeux, unilatérales. Lecteur infatigable, il puise dans ses lectures de quoi nourrir sa curiosité et prendre position. Mumford n'est pas vraiment un activiste, comme on dit aux États-Unis, mais un « intellectuel public », qui n'hésite pas à dénoncer la bombe atomique au lendemain du bombardement d'Hiroshima et de Nagasaki, l'urbanisme au bulldozer de Robert Moses à New York, les agissements du Président Johnson au Vietnam, etc.
L'une de ses originalités et de ses forces est, chaque fois, de miser sur l'individu, sa capacité à devenir lui-même, malgré les obstacles de tous ordres. Les « besoins croissants » de ses concitoyens le désespèrent. Mumford possède un incroyable esprit critique, une culture transdisciplinaire et une volonté de changer le monde qui lui permettent d'élaborer de nombreuses alternatives. Il milite pour un régionalisme décentralisé, une ville à « taille humaine », un équilibre entre l'industrie et l'agriculture, et surtout il adhère à cette idée neuve à l'époque d'une démocratie de l'entraide et de la plénitude. Son oeuvre s'inscrit dans le prolongement d'une tradition méconnue de pensée communautaire qui débute avec les oeuvres des géographes anarchistes Pierre Kropotkine et Élisée Reclus. Critique d'une organisation économique qui sacrifie le progrès de l'humanité au perfectionnement des machines, l'auteur revient au souci du bien public, à la recherche d'un équilibre écologique et à la coopération sociale comme base de notre milieu de vie.
Les auteurs réunis dans cette collection constituent les racines de la pensée politique de la décroissance. L'apport de Mumford à cette pensée est présenté ici par Thierry Paquot ; la seconde partie de l'ouvrage est composée d'extraits qui offrent un accès direct à son oeuvre.
Fukushima, Tchernobyl, Three Mile Island, Tricastin, Hiroshima et Nagasaki ... Cette sinistre liste nous renvoie aux dangers que représente l'industrie nucléaire, que celle-ci soit civile ou militaire. Cependant aujourd'hui encore, le nucléaire représente 77 % de la production d'électricité en France.
Les études ne manquent pas pour montrer comment sortir rapidement ou progressivement, du nucléaire.
S'il était si difficile de se passer de l'énergie nucléaire, comment nos voisins auraient-ils pu connaître des développements économiques comparables, voire supérieurs, sans celui-ci ? Mais fondamentalement, il faut sortir du modèle de société porté par le nucléaire, productiviste, insoutenable et dans lequel la production énergétique est concentrée entre les mains d'une poignée d'acteurs politiques et commerciaux.
Ce modèle n'est pas compatible avec la démocratie, du fait de son caractère militaire, secret et extrêmement dangereux. L'arme nucléaire apparaît justement comme le rempart ultime de ce modèle de société qui impose la domination de quelques-uns sur tous à l'échelle planétaire.
Face aux mensonges et à l'impunité qui prévalent dès qu'il s'agit de nucléaire et du fait de l'inefficacité des recours démocratiques, et, surtout, compte tenu du danger immense que fait peser l'option nucléaire sur la planète, la désobéissance civile est légitime et indispensable.
Ce penseur exceptionnel, dont on ne mesure pas encore l'importance tant son oeuvre pluridimensionnelle mérite plusieurs lectures, aurait-il épousé la cause « décroissante », terme alors inusité ?
Ivan Illich (1926-2002), prêtre, théologien, historien, philosophe n'a pas été qu'un « agitateur d'idées » comme on se limite trop souvent à le présenter. Certes ses ouvrages sur l'école, la santé, les transports, la technique sont le fruit d'une analyse percutante et débouchent sur des conclusions radicales.
Mais sa dénonciation du productivisme, et par conséquent de la croissance économique indiscutée, se double d'une critique des services qui transforment chacun en « consommateur » dépendant et souvent béat.
Ivan Illich a été le témoin du passage de l'« outil » (aussi bien le marteau que le réseau de chemins de fer, le vélo que l'hôpital, la cruche que l'école...) au « système technique » qui empêche quiconque d'intervenir sur son propre environnement et le prive de toute autonomie. Il a démontré le principe de la « contre-productivité » (qui veut qu'à partir d'un certain seuil, toute institution censée servir les citoyens cesse d'atteindre les fins pour lesquelles elle a été conçue). Le premier, Illich a vu dans l'« l'aide au développement » une tactique pour généraliser le productivisme à tous les pays et tous les esprits et ainsi déposséder les peuples de leurs cultures pour mieux les soumettre aux grands groupes multinationaux. Méfiant vis-à-vis du Club de Rome, insatisfait des actions des écologistes, Ivan Illich considérait impossible d'inverser l'ordre des choses et trouvait dans l'ascèse et la convivialité la possibilité d'une existence réconciliée avec elle-même.
Pour Theodore Roszak, sortir de la crise écologique ne signifie pas proposer une gestion plus efficace et plus rationnelle des « ressources de l'environnement ». Il s'agit d'affirmer la nécessité d'une rupture essentielle avec le fond même de la modernité, du capitalisme et du rationalisme.
L'un des mérites de Theodore Roszak est de rappeler que le capitalisme tire sa force de sa capacité à produire, à faire consommer, mais aussi à dévoyer, à manipuler les critiques qui lui sont faites. Afin d'éviter cette récupération, les mouvements contestataires qui défendent les idéaux de la paix, de l'écologie et de la justice sociale doivent puiser dans la longue mémoire des peuples, à la recherche des fragments d'histoire, des mythes, des images, des cultures, des expériences qui sont littéralement en rupture avec la modernité techno-industrielle, sa science et son esprit de calcul. Ces mouvements ne libéreront le futur que s'ils décolonisent le passé, en faisant de celui-ci une mémoire vivante.
Roszak s'intéresse ainsi, notamment, à William Blake, Goethe, les alchimistes, les néoplatoniciens, les poètes de toutes contrées. Pionnier de la « contre-culture » (c'est lui qui forgea l'expression), il approfondit sa pensée dans les années 1990, introduisant la notion d'écopsychologie. À la fois politique et spirituelle, thérapeutique et artistique, et foncièrement anticapitaliste, l'écopsychologie soutient que l'homo oeconomicus est une caricature d'humanité, un humain mutilé car amputé des profondeurs de son être et de ce qui fait sa dignité : son imagination créatrice, son lien social, sa capacité à symboliser, sa conscience visionnaire.
Les auteurs réunis dans cette collection constituent les racines de la pensée politique de la décroissance. L'apport de Roszak à cette pensée est présenté ici par Mohammed Taleb ; la seconde partie de l'ouvrage est composée d'extraits qui offrent un accès direct à son oeuvre.
L'économiste et anthropologue Serge Latouche est l'un des premiers et principaux penseurs de la décroissance aujourd'hui. Dans ce livre, il revient de manière claire et érudite sur un très grand nombre de courants d'idées, d'intellectuels et d'activistes politiques qui ont influencé sa réflexion.
La décroissance n'a pas la prétention de chercher à construire de toutes pièces une vision entièrement nouvelle de l'organisation de la vie sur terre. Elle vise plutôt à mettre en lumière ce qu'il peut y avoir de convergent entre des approches développées en tout temps, en tous lieux et dans tous les domaines, mais qui ont pour caractéristique commune d'avoir été ignorées ou discréditées a priori par les discours modernes de la productivité, de l'efficacité, de la croissance et du profit.
La décroissance désigne en premier lieu la rupture avec l'occidentalisation du monde. Elle entraîne donc la réouverture de l'histoire au fond commun universel qu'on appelait traditionnellement « sagesse ». En revenant sur le stoïcisme, l'épicurisme, le cynisme, le taoïsme, le bouddhisme zen, les traditions indienne, africaine, amérindienne et bien d'autres, il s'agit d'abord, explique Latouche, de rappeler que l'humanité, par sa connaissance séculaire de l'homme et de ses passions, n'a pas attendu la démesure extrême de notre époque pour penser la mesure et les conditions de la vie bonne.
Les précurseurs modernes, quant à eux, développent une critique de la croissance de l'intérieur. Celle-ci s'articule d'abord autour de la lutte contre les méfaits sociaux et politiques de la révolution industrielle, exprimée par des socialistes « utopiques » comme Morris, Fourier, Owen., ou des anarchistes comme Proudhon, Bakounine, Kropotkine. Plus proches de nous, ceux qui, à partir des années 1950, ont vécu l'essor de la société de consommation, l'emprise croissante de la technique et l'aliénation productiviste ont été, dans une large mesure, les fondateurs de l'écologie politique : Ivan Illich, Cornelius Castoriadis, André Gorz, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, François Partant, Nicholas Georgescu-Roegen, etc.
Enfin, l'ouvrage se penche sur toute une pléiade de quasi-contemporains moins connus (Murray Bookchin, Barry Commoner, Alex Langer.) ou auxquels on ne pense pas parce qu'ils étaient avant tout des écrivains (Léon Tolstoi, Jean Giono, Aldous Huxley ou René Barjavel.).
Philosophe, mais aussi militante et syndicaliste, Simone Weil n'a eu de cesse de se confronter à la réalité de la société. S'opposant à l'industrialisme qui déracine les travailleurs, elle s'est rapidement montrée très critique à l'égard du progrès technique et des rapports de domination qu'il induit. Elle a décrit le fonctionnement des usines modernes dont elle a vécu directement les effets ; elle a opéré une vive critique de la rationalisation et de la division du travail ; et elle a également dénoncé de manière visionnaire les limites des ressources naturelles, et les dégâts liés à leur exploitation. Face à l'esclavage industriel, et à notre impuissance devant la machine sociale, la bureaucratie et l'État, Simone Weil développe le concept d'enracinement, qui supposerait d'habituer dès le plus jeune âge les enfants à mépriser le rapport de forces. À la grande industrie, à la division du travail, à la subordination de l'ouvrier dans l'entreprise, l'enracinement oppose l'organisation de coopératives, de communautés autonomes, de petites unités de production reliées entre elles. La grandeur des hommes tenant à leur capacité à travailler, Simone Weil réfléchit à changer la nature même du travail.
Cela signifie que chacun maîtrise le résultat de son travail, jusque dans ses gestes, grâce à des techniques qui soient pensées pour cela, en quelque sorte, des techniques « conviviales » au sens d'Illich.
L'enracinement s'oppose aussi à la violence de la technique industrielle qui saccage les ressources naturelles, exploite l'énergie à outrance et produit des dégâts irréparables. Simone Weil pointe l'absurdité d'un développement illimité de la production et de la productivité. Sur bien des points, elle anticipe donc clairement les analyses de la décroissance.
Le primat de l'économie doit être remise en cause. C'est ce que Jean Baudrillard avait très bien vu en son temps : dans son ouvrage La société de consommation (1970), référence majeure pour les décroissants, le consumérisme engendre une « paupérisation psychologique », un état d'insatisfaction généralisée qui, dit-il, « définit la société de croissance comme le contraire d'une société d'abondance ».
Bien que son oeuvre soit multiple et complexe, on ne peut pas dénoncer la société de consommation aujourd'hui sans se référer à ses analyses et il est presque impossible pour les objecteurs de croissance de ne pas reprendre certaines des formules qu'il a employé tant est forte la pertinence de ses intuitions ; les cinq premiers livres de notre auteur qui tournent autour du démontage de la société de croissance pourraient même passer pour un catéchisme de la décroissance.
Le « style » Baudrillard ne réside pas seulement dans la qualité exceptionnelle de l'écriture, mais aussi dans cette étrange fascination pour le consumérisme qu'il dénonce. Toute l'oeuvre de l'auteur tourne finalement autour du désenchantement mélancolique de la modernité, entre révolte rentrée et résignation ironique.
Quel rapport entre des députés écologistes qui ne rêvent que de participer au gouvernement et des jeunes zadistes qui résistent dans la boue aux pelleteuses qui tentent de raser le bocage nantais pour construire un aéroport ? Comment penser l'évolution de l'écologie politique trente ans après la candidature de René Dumont ? Un contemporain de ce dernier, décédé en novembre 2014, Serge Moscovici, permet de réfléchir à cette nature de l'écologie. Psycho-sociologue, ayant participé à la création du mouvement écologiste à la fin des années 1970, il pense l'écologie comme une minorité active. Ses réflexions sur les mouvements des jeunes, des étudiants, des femmes... et l'écologie naissante, entre communautés de vie, manifs à vélo et coopératives bio, permettent de penser l'intérêt et la spécificité des zadistes, des expériences de sobriété volontaire, de la transition, tous ces mouvements qui font vivre de manière radicale l'écologie et la décroissance.
A contrario, sa pensée montre les limites des participations au jeu politique classique, qui font passer l'écologie de minorité active à une inefficace position de « petit dans la cours des grands ». Audelà, la pensée de Serge Moscovici est une réflexion sur l'existence des mouvements minoritaires dans l'histoire.
Des sceptiques grecs au socialisme de Fourier, ces mouvements hétérodoxes refusent la domestication de la nature et de l'humain, la séparation artificielle entre l'humain et le naturel et ont tenté de les subvertir.
Les auteurs réunis dans cette collection constituent les racines de la pensée politique de la décroissance.
L'apport de Serge Moscovici à cette pensée est présenté ici par Stéphane Lavignotte ; la seconde partie de l'ouvrage est composée d'extraits qui offrent un accès direct à son oeuvre.