Comment un simple poème, inspiré par l’amour de deux femmes, a-t-il pu circuler dans toute la France, au creux des Années noires ? Comment, par le pouvoir d’un mot, a-t-il rendu l’espoir à tout un peuple, alors à genoux ? Depuis des années, Xavier Donzelli se passionne pour l’histoire du mythique « Liberté » de Paul Eluard. Grâce à des recherches poussées dans divers fonds d’archives, il a réussi à retracer l’itinéraire du poème, de sa création à sa publication en 1942 à Alger, dans la revue Fontaine, puis, à des milliers d’exemplaires, dans la plaquette Poésie et Vérité 1942 de La Main à plume, à Paris. Bientôt repris dans la revue La France Libre à Londres, parachuté en 1943 au-dessus de Nantes, Orléans, Le Mans, Argentan, Caen, Lille, Amiens, Paris par les avions de Royal Air Force, traduit et diffusé hors de France, enfin adapté en musique, le poème, échappant à son créateur, rencontrera un écho exceptionnel : il deviendra l’un des textes emblématiques de la Résistance.
Avec "La Maison", Paco Roca abordait avec poésie le deuil et l'héritage, deux faces d'une même pièce. Cet album était ambitieux par la pertinente sobriété avec laquelle il traitait ces sujets, et Roca entrait dans cette caste enviable des auteurs qui réussissent à ouvrir sur l'universel en partant du particulier.
Grandir dans la banlieue de Châteauroux, partir exercer son métier de dessinateur partout ailleurs, mais toujours revenir à Châteauroux et voir le paysage autour de sa maison familiale changer, au gré des fermetures de bases militaires, de fermetures d'usines, de fermeture de bistrots : telle est l'histoire que nous raconte David Prudhomme. Son histoire. Et l'histoire d'une ville moyenne de la province depuis les années 70.
Pour ceux qui aiment l'Histoire, les histoires de famille, le brassage des peuples dans ce qu'on appelle la Mitteleuropa, les petites histoires dans la grande Histoire, les personnages haut en couleur, écrit de manière classique, lyrique voire épique. Un roman magistral et bluffant, digne des classiques !
Après un arrêt de grossesse forcée, Kiwako se retrouve seule, abandonnée par l'homme qu'elle aime. Lorsqu'elle apprend que ce dernier vient d'avoir un enfant, elle pénètre dans leur maison pour voir ce bébé. Juste le voir. Mais à sa vision, prise d'une pulsion irréfléchie, elle enlève la petite Kaoru. On se laisse alors embarquer dans sa cavale à travers le Japon.
On découvre une femme fragile, imprévisible, mais débordante de tendresse et d'amour. Puis, vingt ans plus tard, c'est enfin Kaoru qui nous conte son histoire.
Le lecteur pris dans un paradoxe, car tiraillé entre réprobation et compassion, est contraint de s'attacher à ce duo prohibé... Tout le talent de Mitsuyo Kakuta est de nous faire trembler pour cette femme malgré son geste odieux.
Un sujet sensible mais une lecture prenante, foncez !
Après le portrait de son père dans Qui a tué mon père et de lui-même dans En finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis nous fait ici un portrait en demi-teinte de sa mère. Une femme doublement asservie, pas ses époux successifs et par la misère économique et sociale qui l'accompagnera une grande partie de sa vie. Edouard, avec le recul des années, nous confie cette culpabilité qui ne le quittera jamais, celle d'avoir réussi à s'élever socialement en participant à l'asservissement de sa mère : il l'a rudoie, il l'a cache, tenu par la honte de sa misère et par la peur de ne pouvoir s'en extraire. Puis vient le temps, après l'éloignement, de la (re)découverte mère-fils... Un récit extrêmement touchant, qui pourrait raisonner avec l'œuvre d'Annie Ernaux.
L'histoire de la formidable solidarité de femme "casseuses de cailloux" qui devront faire front commun pour revendiquer leurs droits et rendre leur survie moins pénible... Un portrait social, politique et économique du Congo qui met en exergue la situation de la femme africaine contemporaine prise de contradiction entre modernité et mœurs ancestrales. Mais c'est aussi une ode à ces femmes battantes, touchantes d'humanité, si courageuses. Un roman plein d'une empathie et d'une énergie communicante !
C'est décidément à Haïti, que la poésie se transforme le mieux en roman et que de la plus cruauté du sort naît la plus grand beauté, on en a un nouvel et merveilleux exemple avec ce premier roman de Jean d'Amérique.
Quand une femme d'une rare finesse vous propose de partager ses questionnements plutôt que ses réponses, qu'elle vous ouvre ce faisant la voie d'une consolation raisonnable, qu'elle vous fait entrevoir ce qu'il y a de plus riche et de plus beau dans sa culture et ses amitiés, la lecture, alors, est décidément un immense bonheur.
En ce moment, pour visiter Manhattan, une seule solution, passez par Arles et déambulez avec Ray à travers sa ville et sa vie dans ce lumineux roman "made in Arles" mais absolument dépaysant !
Extrait :
"Les couleurs se contaminent sans cesse et échangent leurs déterminations, se compensent, s'intensifient, s'harmonisent, se neutralisent. De cet affrontement naît une danse. ce que nous percevons n'est jamais une couleur (...) c'est un jeu de couleurs qui devance et guide notre œil et dans lequel les échos et les contrastes alternent sur fond de coexistence belliqueuse ou apaisée. "
Le destin de deux frères, Franky le poète, l’intellectuelle, le rêveur. Tony, le terre-à-terre, le réaliste, le pragmatique. Deux frères unie par le sang, la misère, les galères. Et Antoine des Gommiers ? Qui est cet homme : une légende ? Un devin ? Un charlatan ?
Un roman qui prône la nécessité de (ré)enchanter le monde, l’importance du rêve, du conte, du mythe : qui savent parler et vivre à travers chacun, qui créent une histoire commune à tous. La plume de Lyonel Trouillot est absolument unique et incroyable, ces mots nous enchantent, nous heurtent, nous interrogent
Un petit coup de cœur ne rend en rien la richesse de ce roman, je peux essayer de mieux vous en parler et tenter de vous convaincre : lisez Trouillot !
Un sujet peu attrayant de premier abord : le burn-out. Mais Gaëlle Josse l'aborde sans pathos, avec délicatesse. Un roman qui touche, qui interroge, qui repositionne. Grand coup de cœur !
Attention : roman noir, très très noir. Mais touchant, prenant, lu en une journée, finalement plein d'un espoir en l'humanité. Une lecture qui reste, qui vous habite longtemps !
Un roman d'anticipation sous la forme d'un journal intime, d'une mère à son enfant à naitre. La plume de Louise Erdrich n'est plus à prouver, on apprécie sa vision du monde, sa poésie, son approche onirique. Le portrait d'une femme sous tension, entre horreur de la situation et féroce instinct de survie. Rythmé, plein de suspens, un récit qu'on ne lâche pas !
Manuel pince-sans-rire de désarrimage généralisé, regard en coin sur les choses, mauvais esprit et belles humeurs. Comment résister à cette dure époque grâce à l'évitisme ? Des petites proses salutaires, des petits récits exemplaires !
Dans l'atmosphère envoûtante d'une demeure tourangelle, un homme vieillissant se découvre à un autre, envoyé là parce que son monde a choisi de l'y mettre quelques temps à l'écart. Nous sommes au XVIII siècle et l'écriture s'en montre digne, élégante et fine, et ce que nous découvrons ici c'est l'incroyable de Mme des Ursins et le fabuleux jeu des puissances européennes au Grand Siècle. Et puis aussi, et surtout peut-être, l'histoire du sublime amour que cet homme lui voua.
Le premier bonheur de cette nouvelle année sera peut-être de retrouver Sylvain Prudhomme en version courte ( ce sont des nouvelles) et intime. Décidément touchant, sensible, émouvant, c'est bien lui toujours, nous montrant une nouvelle facette de son écriture, toujours aussi proche, familier. Même de toute la hauteur de son grand talent.
C'est cru ! c'est bon ! c'est sensuel ! ça fait un bien fou !
De son restaurant la Fenière (dans le Lubéron), Nadia Sammut, dans ce magnifique livre, nous offre en un grand sourire ensoleillé la vision d'une cuisine responsable et joyeuse.
Voilà un étonnant premier roman qui se passe à Marseille dans le quartier du Panier, à l’époque où ses ruelles étroites étaient habitées par la population émigrée. On suit une bande de potes, des ados qui font les 400 coups : notre héros, Stress, la « figure rose » de la bande multiethnique, Ichem, Kassim, Djamel et Ange. Une histoire d’amitié qui se délite au fur et à mesure que le quartier se gentrifie, que les pauvres sont chassés, que la diversité culturelle est reléguée dans les quartiers nord. On plonge alors dans les souvenirs de Stress, son enfance, la vie du quartier, les actions culturelles de sa mère et aujourd’hui, adulte, son désir de poser le parfum de son adolescence sur pellicule, d’en faire un film documentaire. Stress nous partage alors son ambivalence : celle de ne jamais avoir fait partie d’aucun monde. Il n’était jamais totalement un mec du Panier et adulte, il n’est pas totalement intégré à la bande de Bobo avec laquelle il passe ses soirées. Constamment en dehors du groupe, il est celui dont le regard porte l’objectivité.
Hadrien Bels nous amuse beaucoup avec cette bande d’ados paumés hyper attachants. C’est un roman plein de tendresse pour Marseille, pour ses gens, son folklore. Un livre et une écriture rafraichissants, un auteur à suivre !
Voilà une auteure bien connue des éditions Actes Sud, qui nous avait déjà séduite avec La Petite Communiste qui ne souriait jamais en 2014 ou encore Mercy, Mary, Patty en 2017.
On est dans les années 80, on suit l’histoire de Cléo, une jeune fille de 13 ans qui grandit dans un milieu modeste en banlieue parisienne. Cléo, son rêve, c’est de devenir danseuse professionnelle, tout son univers d’enfant puis d’adolescente tourne autour de la danse : elle ne rêve que de ça et elle y travaille, elle s’épuise à ça. Exit tutu, pointes et froufrou, Cléo, sa spécialité c’est le modern jazz.
Puis elle est approchée par Cathy, une femme chargée de trouver de jeunes talents pour les faire participer à un concours qui promet une bourse d’étude délivrée par la mystérieuse Fondation Gallatée. Cathy l’encourage, lui fait prendre conscience de son talent, la couvre de cadeau, la rémunère. Cléo, emballée, est prête à tout pour obtenir cette bourse. Puis un soir, lors d’une étape de sélection, elle basculera dans un tout autre univers …
Lola Lafon a ce talent d’accrocher le lecteur dans son récit et de distiller progressivement des informations qui nous mènent à la vérité : Que s’est-il réellement passé ? Cléo est-elle victime, coupable, complice, bourreau ?
Gros coup de cœur de la rentrée littéraire avec cet ouvrage. Cléo, la belle Cléo, la courageuse, la lâche, la martyre, la tenace, l’horrible, l’inoubliable Cléo vous habitera longtemps.