Jean Meckert fait partie de ces romanciers contemporains que n'aime guère l'Université, tant leurs personnages et leur écriture sont éloignés des dogmes qui règnent souvent sur l'enseignement des lettres. Au carrefour du populisme, de l'anarchisme et de l'esthétique du « polar » moderne, violemment engagé dans les combats contre l'exploitation des hommes, Meckert a sans doute souffert d'être un autodidacte. Né le 24 novembre 1910 à Paris, il est le fils d'un employé de la compagnie des omnibus, un libertaire qui sera fusillé en 1917 pour mutinerie. Sa mère, internée pendant deux ans, n'eut ensuite pas d'autre choix que d'être femme de peine jusqu'à la fin de ses jours. Rébellion et humiliation : figures parentales et choix éthiques se conjuguent pour façonner un révolté dressé contre le monde des puissants, du mensonge et de l'injustice.
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« J'ai rencontré quelques grands ancêtres, Shakespeare et Dostoïevski, les auteurs inconnus du Mahâbhârata, Corneille, Chateaubriand, Balzac, Proust. Ils m'ont appris ce que je savais sans doute déjà : un personnage ne peut nous toucher que lorsque nous avons trouvé en lui ce que nous appelons "vulnérabilité". Tout le théâtre, tout le cinéma, toute la littérature, toute forme d'expression repose sur la fragilité. Elle est notre source cachée, le moteur de toute émotion et de toute beauté. Acceptons-la. Revendiquons-la. Soyons frêles mais souples. Et calmes devant l'inconnu. Nous devons préserver notre fragilité comme nous devons sauver l'inutile. L'inutile, parce qu'il nous sauve du simple calcul productif, maître du monde. Il nous permet de nous en évader, il est notre issue de secours. La fragilité, parce qu'elle nous rapproche les uns des autres, alors que la force nous éloigne. »
Jean-Claude Carrière, Fragilité.